Intervention de Stéphane Lenormand

Séance en hémicycle du jeudi 2 mars 2023 à 15h00
Instaurer une majorité numérique et lutter contre la haine en ligne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Lenormand :

L'utilisation des réseaux sociaux est très répandue et comporte de multiples dangers, comme cela a été rappelé. Ce texte du groupe Horizons a l'avantage d'aborder ce domaine, qui, en raison de sa complexité technique et de sa dimension sociale, est imparfaitement encadré par la loi.

Je salue le travail accompli par la commission des affaires culturelles. Il a permis des avancées : ainsi, nous avons perfectionné la rédaction du texte en y inscrivant des sanctions financières et avons su trouver des compromis relatifs à l'âge de la majorité ou encore au montant de l'amende encourue. Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires souhaite poursuivre ce travail en proposant des amendements de précision, concernant notamment les deux premiers articles.

J'aimerais néanmoins profiter de cette intervention pour poursuivre le débat amorcé en commission ; comme l'a dit M. le rapporteur Marcangeli, le texte constitue la première pierre d'un édifice plus ambitieux, et il convient de prévoir les prochaines étapes.

La première d'entre elles consiste à faire comprendre au plus grand nombre que les dangers des plateformes ne sont pas circonscrits à Facebook ou à TikTok ; ces dernières sont certes les plus fréquentées, mais le champ de la proposition de loi inclut également d'autres plateformes tout aussi dangereuses pour un jeune public, quoique moins connues. Ainsi, les forums de discussion contiennent un nombre inimaginable de messages haineux et diffamatoires, que les modérateurs peinent à encadrer. De même, les plateformes de communication comme Discord, privilégiées par les amateurs de jeux vidéo, ont permis la création de véritables communautés qui, sans être cachées, ne sont pas forcément accessibles au grand public. Enfin, les plateformes de streaming, comme Twitch, contiennent des contenus sensibles pour les mineurs, notamment lors des transmissions en direct. Chers collègues, cette énumération n'a pas vocation à nous préparer à une chasse aux sorcières, mais à nous rappeler qu'il existe une vaste galaxie d'acteurs peu sûrs, méconnus de nous, mais présents auprès des jeunes.

Par ailleurs, il est insuffisant de contrôler l'inscription sur les réseaux sociaux : il faut également contrôler leur utilisation. Les contenus inadaptés aux mineurs doivent être bannis ou faire l'objet d'une restriction d'accès. D'ailleurs, certains acteurs du secteur ont entamé des démarches en ce sens.

De même, s'il est souhaitable d'établir une majorité numérique à 15 ans, cela n'est pas suffisant. Il paraît en effet nécessaire de bloquer purement et simplement l'accès des mineurs de moins de 13 ans aux réseaux sociaux, pour deux raisons. D'une part, c'est la seule manière d'empêcher la collecte de données personnelles qui ne soit pas conforme au règlement général sur la protection des données (RGPD). D'autre part, cela permettrait d'inscrire dans la loi une règle que les réseaux se prévalent de respecter mais sans avoir encore aucune incitation à le faire.

La deuxième étape consiste à faire évoluer la législation européenne. La proposition de loi que nous examinons permettra des avancées, mais ne commettons pas l'erreur de croire qu'elle réglera les comportements problématiques : pour se soustraire à la législation française, il suffit aux jeunes, dont la plupart maîtrisent bien mieux que nous ces outils, de se connecter à l'aide d'une adresse IP étrangère. Ce constat doit nous faire prendre conscience qu'à terme, l'échelon européen est le plus approprié pour encadrer les réseaux sociaux et harmoniser les règles visant à protéger les mineurs.

Enfin, la troisième étape concerne la lutte contre le harcèlement. Les dispositifs existants se bornent le plus souvent à supprimer les contenus et à fournir un soutien psychologique aux victimes ; le harcèlement, omniprésent sur internet, reste très peu sanctionné. Pour changer l'état d'esprit qui règne sur internet, il faudra dédier davantage de moyens à l'éducation électronique des jeunes et des parents. L'État, l'école et les associations ont tous un rôle à jouer. Il conviendra également de renforcer les sanctions pénales à l'encontre des personnes qui se rendent coupables de harcèlement.

Voilà quelques chantiers qu'il nous reste à entreprendre. En attendant, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires votera la proposition de loi et se mobilisera pour défendre les différentes mesures que je viens d'aborder, car on ne saurait sous-estimer les dangers que présente internet pour les jeunes. En cela, la demande de rapport que contient l'article 4 est positive et constructive ; j'en remercie M. le rapporteur.

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