Intervention de Julien Odoul

Séance en hémicycle du jeudi 2 mars 2023 à 15h00
Instaurer une majorité numérique et lutter contre la haine en ligne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulien Odoul :

Depuis une vingtaine d'années, les réseaux sociaux ont envahi nos vies et conquis notre quotidien, quelquefois pour le meilleur, il est vrai – l'accès illimité à l'information, la communication facile pour tous ou encore l'ouverture au monde –, et quelquefois pour le pire – la haine et la violence.

Cette haine et cette violence sont le quotidien de certains jeunes, parfois très jeunes, qui la subissent de plein fouet et y sont confrontés de plus en plus tôt. Il ne s'agit pas de donner des leçons de morale ni de vouloir un monde qui n'existe pas, mais plutôt de souligner un certain manque de discernement des parents qui n'évaluent pas à sa juste mesure, hélas, l'importance de l'éducation au numérique au regard des risques potentiels que représentent ces outils.

Il n'y a pas de liberté sans limites. Hier, les dirigeants de TikTok eux-mêmes ont annoncé vouloir limiter son utilisation pour les mineurs, sous la forme d'une alerte sur l'application au bout d'une heure d'utilisation. Les parents doivent impérativement éduquer, surveiller et informer leurs enfants sur les inconvénients et les dangers majeurs auxquels ils sont exposés : contenus pornographiques, défis stupides mais surtout dangereux comme l'automutilation, addiction. Le témoignage d'un lycéen de 14 ans, Eden, qui assure passer près de quatorze heures par jour sur TikTok, est alarmant.

Il faut en être bien conscients : le risque d'isolement et d'enfermement est réel. À travers l'utilisation addictive des réseaux sociaux, de nombreux adolescents s'enferment peu à peu dans une bulle virtuelle et nocive. Cet univers illusoire occulte d'innombrables externalités négatives qui bouleversent leur quotidien : dans certains cas, les jeunes voient leurs résultats scolaires chuter ; ils ne lisent plus, ne pratiquent plus de sport, ne voient plus leurs amis ni leur famille, développent des troubles psychologiques et des complexes physiques et vont jusqu'à se couper radicalement du monde.

Les réseaux ont une autre conséquence non négligeable sur la vie des jeunes. Vous le rappelez très justement, monsieur le rapporteur, dans l'exposé des motifs de cette proposition de loi : près de 30 % des parents déclarent que leur enfant a déjà pensé au suicide ; la majorité de ces enfants sont victimes de cyberharcèlement et confrontés à la haine en ligne. Chaque seconde, des millions d'images et de vidéos publiées sur TikTok, Instagram ou Snapchat sont à la portée d'enfants et d'adolescents en pleine construction intellectuelle. Permettez-moi aujourd'hui d'avoir une pensée pour Lucas, 13 ans, qui s'est donné la mort au début de mois de janvier parce qu'il était harcelé par ses camarades, à l'école et en ligne.

Aucun enfant n'est préparé à subir la violence, surtout quand elle est gratuite et en ligne, facilitée par d'innombrables faux profils dont les utilisateurs tirent une satisfaction malsaine à harceler des jeunes en raison de leur physique, de leur handicap, de leur tenue vestimentaire ou de leur liberté d'expression. Nous avons tous en mémoire le calvaire qu'a subi la jeune Mila, qui avait 16 ans à l'époque, pour avoir critiqué l'islam sur son compte Instagram : elle s'est retrouvée dans une spirale infernale de menaces de mort, de viol, et d'insultes à l'encontre de son orientation sexuelle.

L'association e-Enfance, qui gère la ligne téléphonique 3018 pour les jeunes victimes de cyberharcèlement, alerte sur la hausse du nombre de victimes : de janvier à septembre 2022, ce sont près de 25 000 cas qui ont été traités, contre 19 000 dans l'ensemble de l'année 2021. Quatre appels sur dix sont liés à la sexualité : du chantage à la webcam au revenge porn, les filles sont plus exposées au cyberharcèlement que les garçons. Je tiens à saluer le travail remarquable de cette association qui œuvre sans relâche pour accompagner les victimes et qui empêche parfois le pire.

Nous le savons tous, la route est encore longue pour protéger les jeunes des réseaux sociaux. Je tiens à saluer l'humilité dont a fait preuve le rapporteur lors de la présentation de son texte devant la commission. Le défi est en effet immense pour mettre fin à la haine en ligne. Néanmoins, cette proposition de loi constitue une avancée indéniable pour la protection des mineurs qui doit tous nous rassembler. C'est pourquoi les députés du Rassemblement national la voteront.

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