Intervention de Laurent Esquenet-Goxes

Séance en hémicycle du jeudi 2 mars 2023 à 15h00
Instaurer une majorité numérique et lutter contre la haine en ligne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Esquenet-Goxes :

Un mal mortifère frappe notre jeunesse : se faufilant sur les réseaux sociaux, il l'expose à un monde virtuel trafiqué et « photoshoppé », à un risque accru de harcèlement et à l'autodépréciation. Face à ce défi de santé publique, la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui soumet à la représentation nationale un remède que le groupe Démocrate pense être le bon.

En évitant de faire des réseaux sociaux un mouton noir, vous démontrez, monsieur le rapporteur, tout l'équilibre de votre texte. En effet, les réseaux sociaux sont une source d'information, d'échanges et de découvertes, et l'occasion, pour des jeunes mal dans leur peau ou évoluant dans un climat familial difficile, de créer de nouveaux liens, de se rendre compte qu'ils ne sont pas seuls et que d'autres leur ressemblent. Mais Instagram, TikTok et Twitter présentent de grands risques pour une personne qui n'a pas encore atteint la maturité suffisante. Mon groupe se réjouit donc que vous nous proposiez des outils reposant sur des bases équilibrées, pour redonner aux parents une forme de contrôle sur les activités de leurs enfants, sans oublier qu'à partir de 15 ans, les adolescents deviennent plus autonomes.

Il s'en félicite d'autant plus que votre texte ne se résume pas à des promesses incantatoires, toujours si jolies sur le papier mais tellement inefficaces dans la réalité. En effet, le texte ne se contente pas de fixer l'obligation, pour les réseaux sociaux, de contrôler que les parents ont effectivement donné leur autorisation à l'inscription de leur enfant de moins de 15 ans : il propose également un dispositif concret pour y parvenir, grâce à une méthode certifiée par l'Arcom après concertation avec la Cnil. Ce faisant, vous vous assurez de la nécessaire conciliation entre la protection des données personnelles et l'effectivité du contrôle.

Les annonces du ministre délégué M. Jean-Noël Barrot et de la secrétaire d'État Mme Charlotte Caubel sont la preuve qu'il est possible de trouver rapidement des solutions. L'expérimentation prochaine de la nouvelle méthode de contrôle devrait ainsi permettre son déploiement à très court terme.

Nous souscrivons à l'article 3, qui anticipe la transposition d'un futur règlement européen en prévoyant que les plateformes doivent répondre sous dix jours aux demandes d'information, délai ramené à huit heures en cas de danger grave. Cette disposition répond à une attente forte de la justice française, fatiguée d'attendre des réponses – souvent aléatoires – à des questions généralement impératives et urgentes. Nous savons que les géants du numérique sont capables de répondre dans des délais très courts, nous devons donc les y contraindre.

Afin de parfaire ce texte, notamment son volet préventif, le groupe Démocrate défendra plusieurs amendements tendant à renforcer la lutte contre le harcèlement en ligne. En effet, si notre amendement prévoyant que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l'opportunité d'une fusion des différents numéros de lutte contre le harcèlement a été adopté en commission, nous souhaitons désormais aller plus loin.

Car la situation est grave : 20 % des jeunes ont déjà fait face au cyberharcèlement. Ce sont autant de vies fragilisées et de blessures à vie, qui minent réussite scolaire, confiance en soi et capacités de socialisation. Ce phénomène aboutit parfois à des destins brisés et, dans les pires cas, des vies écourtées. Il place les familles non pas devant un mur, mais devant plusieurs : celui de l'enfant qui, par honte, refuse de parler ; celui des plateformes, derrière lesquelles l'anonymité libère la cruauté ; celui d'un État qui court derrière de nouvelles pratiques toujours plus addictives.

Pour les jeunes, les réseaux sociaux ne représentent plus que la haine des autres et de soi alimentée par des personnes qui voient le cyberharcèlement comme un simple jeu, sans en saisir toutes les conséquences. C'est pourquoi nous proposerons de donner une meilleure visibilité aux plateformes d'accompagnement des victimes de harcèlement, en particulier lorsqu'elles effectuent un signalement sur un réseau social.

Personnellement, je suis très attaché à la lutte contre la haine en ligne, et je sais que nous pourrons travailler à nouveau sur ce sujet à l'occasion de la transposition des nouvelles règles européennes, qui fixent désormais un cadre juridique parmi les plus protecteurs au monde.

Monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur, nous serons à vos côtés pour continuer à renforcer ce cadre, dans la droite ligne de ce texte. Nous soutiendrons pleinement cette proposition de loi et espérons que nos débats permettront d'avancer plus loin encore dans la protection de nos enfants.

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