Intervention de Karine Lebon

Séance en hémicycle du jeudi 2 mars 2023 à 21h30
Protection des familles d'enfants atteints d'une maladie ou d'un handicap — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaKarine Lebon :

Nombreuses sont les familles qui doivent affronter la maladie d'un enfant et assurer auprès de lui une présence plus importante – car, ne l'oublions pas : lorsqu'un enfant est malade, c'est toute une famille qui est touchée. « Je suis semblable au père d'un enfant malade, qui marche dans la foule à petits pas. Il porte en lui le grand silence de sa maison » : cette phrase de Saint-Exupéry prend tout son sens dans le présent débat et illustre parfaitement la terrible situation rencontrée par ces familles. Certains parents quittent tout pour s'occuper de leur enfant, qu'il s'agisse de leur vie professionnelle ou de leur vie sociale. D'autres tentent de trouver des solutions pour concilier leur mission familiale avec la nécessité de subvenir aux besoins de leur foyer.

Dans tous les cas, des problèmes apparaissent très rapidement. À l'immense peine ressentie lors de l'annonce de la maladie d'un enfant, s'ajoute un sentiment d'impuissance face aux difficultés financières, à la complexité administrative et, parfois, à un certain manque d'empathie. La tristesse et l'effroi laissent alors place à l'incompréhension et à la colère : mon employeur me permettra-t-il de réajuster mon temps de travail pour m'occuper de mon enfant ? Ma perte de revenus me contraindra-t-elle à accumuler les impayés ? Surtout, serai-je capable d'être présent auprès de mon enfant et de l'accompagner dans cette tragédie ?

Ces difficultés sont démultipliées lorsqu'un enfant ultramarin doit être soigné dans l'Hexagone. Chaque année, en effet, 2 500 enfants se voient diagnostiquer un cancer, dont 80 à La Réunion, 14 en Martinique, 15 en Guadeloupe et 15 en Guyane. Les familles qui doivent faire face à un cancer pédiatrique dans les outre-mer sont souvent victimes d'une double peine, liée à l'éloignement et aux inégalités territoriales d'accès aux soins. Accompagner son enfant dans l'Hexagone implique obligatoirement de prendre congé de son emploi – un aménagement en temps partiel en présentiel étant, dans les faits, impossible. S'ensuivront inévitablement des difficultés financières qui ne feront que renforcer la détresse.

La proposition de loi marque une première étape importante dans le renforcement de la protection de ces familles. Les dispositions que nous adopterons apporteront des réponses à une partie de leurs inquiétudes. Notre objectif commun doit être, dans un premier temps, d'alléger leur charge émotionnelle et financière : vivre la peur au ventre est une situation inacceptable, à laquelle nous devons absolument remédier. Plus jamais les parents ne devraient avoir à faire un choix cornélien entre le travail, qui assure un revenu, et la présence auprès de leur enfant. Plus jamais les parents ne devraient subir de discriminations dans le monde professionnel et être victimes d'une rupture unilatérale de leur contrat de travail. Plus jamais les parents ne devraient subir des délais de traitement de leurs dossiers si longs qu'ils se voient souvent attribuer les aides après le décès de leur enfant. Plus jamais les parents ne devraient avoir peur de se voir refuser le renouvellement du bail de leur logement en raison de la maladie de leur enfant.

Nous devons aussi penser à tous les parents d'enfants atteints d'un handicap ou victimes d'un accident grave, qui voient eux aussi leur mode de vie se transformer radicalement. Il était primordial de les inclure dans la proposition de loi.

Je tiens à remercier Paul Christophe et l'ensemble des députés qui se sont investis dans l'élaboration du texte. Merci d'avoir abandonné la procédure de législation en commission, afin que nous puissions débattre des amendements en séance. Notre engagement pour la protection de nos « marmailles », comme on dit chez moi, et de leurs familles, est placé au centre de nos discussions parlementaires, pleines d'écoute, d'humanité, de prises de conscience et de réponses aux réalités du monde. Il est important de souligner que le texte a été coconstruit avec les associations et les citoyens qui nous ont sollicités. Je salue tout particulièrement le travail de terrain réalisé par les nombreux bénévoles qui tentent d'accompagner au quotidien les parents d'enfants malades, aussi bien dans leurs démarches administratives qu'en leur offrant un soutien psychologique essentiel.

Soyons dignes de notre héritage républicain fondé sur un pacte social fort et inébranlable. Le soin et le soutien doivent rester la préoccupation première de l'action politique.

Les quelques propositions d'amélioration soutenues par les députés du groupe GDR – NUPES seront débattues et, je l'espère, adoptées. Elles visent aussi bien à des clarifications essentielles à la bonne mise en œuvre des mesures discutées, qu'à une prise en considération des spécificités des familles ultramarines. Quoi qu'il en soit, le moindre soulagement offert aux familles d'enfants malades est essentiel. C'est la raison pour laquelle nous voterons la proposition de loi, que nos amendements soient adoptés ou non. « Guérir parfois, soulager souvent, écouter toujours » : telle était la devise de Louis Pasteur, et tel doit être notre mot d'ordre.

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