Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du mardi 14 mars 2023 à 15h00
Dépôt du rapport annuel de la cour des comptes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Comptez-vous encore et encore annoncer de grandes mesures d'un côté pour retirer de l'autre les moyens et les fonctionnaires nécessaires pour les faire appliquer ? Comptez-vous encore mettre de l'argent dans des dispositifs comme MaPrimeRénov' tout en rognant en même temps, comme vous l'avez fait, sur les postes du ministère de la transition écologique et de l'Agence de la transition écologique (Ademe), autrement dit sur les personnels qui sont censés flécher cet argent et en contrôler l'usage ?

Si les objectifs affichés sont sincères et si le Gouvernement souhaite vraiment réduire le déficit tout en investissant dans les chantiers indispensables à l'avenir du pays, il existe une solution simple, qui se situe du côté non pas de la taxation du travail, mais de celle du capital.

Les unes des journaux vantant les nouveaux records historiques de dividendes versés, chaque année, au travers des pires crises que nous traversons collectivement devraient vous servir d'indice : 200 milliards en 2022, dont 80 milliards pour le seul CAC40, et je rappelle à ceux qui nous expliquent que l'actionnariat est très dispersé entre petits actionnaires, voire des salariés, que 21,7 % des actions de cet indice sont détenus par trois familles.

Il faut aller chercher l'argent là où il est, là où il ne sert à rien et où il coûte le plus à l'État, c'est-à-dire dans les mains des actionnaires et des très grandes entreprises gavées depuis deux mandats d'aides sans contrepartie et de réductions d'impôts. S'il fallait le rappeler, les aides aux entreprises atteignaient 256 milliards en 2021, soit la moitié du budget de l'État : elles ont été multipliées par vingt en quarante ans, avec une envolée record sous Emmanuel Macron. La redistribution des richesses peut se faire par la fiscalité, avec la taxation des hauts revenus, mais elle doit aussi se faire par la redistribution de la plus-value en augmentant les salaires et en créant des emplois, ce qui engendre un cercle vertueux par l'augmentation des cotisations et des rentrées fiscales. Si l'objectif est sincèrement de rendre le budget de l'État plus efficace, le chemin est tout tracé : il passe non pas par l'appauvrissement de l'État, mais tout simplement par le partage des richesses produites.

Mes chers collègues, il est temps de prendre plus au sérieux les comptes de l'État et de couper court aux cadeaux inutiles et sans contrepartie destinés aux plus riches individus et aux entreprises sans aucune condition. Il est temps de prendre au sérieux l'avenir du pays et d'investir pour plus de protection et de justice sociale, plutôt que de détruire des décennies de conquêtes sociales à coups de 47-1 ou de 49.3. Il est temps de soutenir financièrement les collectivités à la hauteur de leurs besoins, plutôt que de chercher encore et toujours la moindre faille ou le moindre prétexte d'efficacité pour leur couper les vivres. Il est temps de prendre au sérieux les crises sociales, sanitaires et écologiques – et bientôt, peut-être, financières – qui se répètent, s'aggravent et nous attendent indéniablement et d'armer l'État pour les combattre et y survivre, plutôt que de l'y rendre toujours plus vulnérable. Il est temps de se souvenir que de la dépense publique, ce sont aussi des recettes, des embauches, de la demande, et pas seulement des chiffres en moins dans la balance. Il est temps, chers collègues, d'en finir avec le néolibéralisme, plutôt que de tenter de le rafistoler à tout prix après chacune de ses crises.

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