Intervention de Aurélien Taché

Séance en hémicycle du mercredi 15 mars 2023 à 15h00
Premier amendement et protocole à la convention d'espoo — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélien Taché, rapporteur de la commission des affaires étrangères :

Notre assemblée est saisie cet après-midi d'un projet de loi portant sur l'approbation de deux textes adoptés par la commission économique des Nations unies pour l'Europe : le premier amendement à la convention adoptée à Espoo le 25 février 1991 ; le protocole à la convention d'Espoo relatif à l'évaluation stratégique environnementale, conclu le 21 mai 2003 à Kiev et dit protocole de Kiev – Mme la secrétaire d'État vient de le rappeler.

Ces deux textes ont été signés par la France respectivement le 25 juin 2001 et le 21 mai 2003 – cela fait donc un moment ! Ils sont présentés au Parlement près de vingt-deux et de vingt ans après leurs signatures. Ce retard n'est pas justifié et marginalise la France. En effet, le premier amendement à la convention d'Espoo et le protocole de Kiev ont déjà été ratifiés respectivement par trente-quatre et trente-deux États, ainsi que par l'Union européenne. Ils sont entrés respectivement en vigueur en 2014 et en 2010.

Chers collègues, je veux vous alerter sur le fait que trois autres conventions internationales sur l'environnement – deux signées en 1985 et une en 2011 – n'ont toujours pas été approuvées par notre pays. Compte tenu de l'urgence climatique, la France devrait pourtant se montrer exemplaire et approuver ou ratifier très rapidement les accords et les traités qui la concernent. Cette première remarque étant faite, j'en viens au contenu du projet de loi.

Rappelons, tout d'abord, l'objet de la convention d'Espoo. En 1991, ce texte représentait une avancée majeure puisqu'il prévoit l'évaluation de l'impact sur l'environnement de certaines activités à risque, identifiées par domaine et notifiées aux parties concernées. Parmi ces activités figurent, à titre d'exemple, l'installation d'une centrale nucléaire ou la production d'hydrocarbures en mer. Un État frontalier doit notifier à ses voisins tout projet majeur à l'étude s'il est susceptible d'avoir sur eux des impacts transfrontaliers préjudiciables importants. Les parties doivent ensuite se consulter pour réduire ou supprimer ces impacts.

Le premier amendement à la convention d'Espoo est composé d'un unique article, qui modifie la convention en deux points – Mme la secrétaire d'État les a rappelés. Il précise tout d'abord quel « public » doit être informé et peut formuler des observations ou des objections sur les projets concernés, en incluant les associations et les organisations. Il ouvre ensuite à des États tiers à la CEE-ONU la possibilité d'adhérer à la convention. Pour la France, ce point est particulièrement important : il permettrait au Brésil et au Suriname, deux pays frontaliers de la Guyane française, de rejoindre les États parties à la convention. Même si, à ce stade, aucun non-membre de la CEE-ONU n'a manifesté sa volonté de rejoindre la convention d'Espoo et ses textes dérivés, les deux textes sur lesquels nous sommes aujourd'hui appelés à nous prononcer ouvrent cette possibilité.

Le protocole de Kiev relatif à l'évaluation stratégique environnementale est composé d'un préambule, de vingt-six articles et de cinq annexes, que j'ai présentés en détail dans mon rapport. Il prévoit un dispositif d'évaluation des effets de certains plans et programmes sur l'environnement et sur la santé. Un rapport environnemental doit être élaboré et un processus de consultation et de participation du public mis en œuvre. À la différence de la convention d'Espoo, ce protocole ne concerne pas uniquement le cadre transfrontalier, même si des consultations transfrontalières sont prévues à l'article 10.

Les deux textes – le premier amendement à la convention d'Espoo et le protocole de Kiev – représentent aujourd'hui un enjeu limité pour la France – vous l'avez dit, madame la secrétaire d'État –, puisqu'ils ont déjà été quasiment totalement intégrés dans le code de l'environnement par la transposition de directives européennes.

Ainsi, l'examen de ces textes est avant tout symbolique. Mais il pourrait inciter les autres États qui les ont signés mais ne les ont pas encore ratifiés à engager, eux aussi, les procédures internes nécessaires. Pour le premier amendement, il s'agit de l'Arménie, de la Belgique, de la Macédoine du Nord et du Royaume-Uni ; pour le protocole de Kiev, ce sont la Belgique, la Géorgie, la Grèce, l'Irlande et le Royaume-Uni.

Je terminerai en abordant un point essentiel – vous l'avez mentionné et je vous en remercie, madame la secrétaire d'État –, à propos duquel j'avais alerté le ministère de l'Europe et des affaires étrangères ainsi que celui de l'intérieur et des outre-mer : il s'agit de la réserve qui concerne la Polynésie française. Le Gouvernement avait initialement déclaré que ni le premier amendement ni le protocole de Kiev ne devaient s'appliquer à ce territoire. Il indiquait suivre l'avis défavorable émis le 29 octobre 1998 par l'Assemblée de la Polynésie française sur la convention d'Espoo. Toutefois, compte tenu du délai écoulé depuis la consultation de 1998 et surtout depuis la ratification de la convention d'Espoo par la France en 2001, il m'apparaissait normal de consulter à nouveau la Polynésie française sur les textes dérivés de cette convention présentés aujourd'hui au Parlement.

À la suite de ma demande, vous l'avez rappelé, le ministère de l'intérieur et des outre-mer a engagé une nouvelle consultation. Une lettre de saisine du haut-commissaire de la République en Polynésie a été envoyée par courrier et par mail. Dès que la collectivité accusera réception de la demande, elle aura un mois pour se prononcer. En fonction de la réponse qui sera apportée par la Polynésie, le Gouvernement pourra éventuellement décider de lever la réserve.

En conclusion, si ce projet de loi présente un enjeu limité sur le fond, il est l'occasion de rappeler qu'il est indispensable d'accélérer les procédures de ratification par la France de ses engagements internationaux en matière environnementale, mais aussi de consulter dès que nécessaire nos territoires ultramarins. Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter en faveur de l'approbation du premier amendement à la convention d'Espoo et du protocole de Kiev.

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