Intervention de François de Rugy

Réunion du mercredi 8 mars 2023 à 20h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

François de Rugy, ancien président de l'Assemblée nationale, ancien ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire :

Sur le nucléaire, en France, depuis plusieurs dizaines d'années, on dépense énormément d'argent dans des programmes de recherche à des niveaux divers, c'est-à-dire dont la vocation est d'aboutir plus ou moins loin dans le temps.

Tout le monde se focalise sur Astrid, mais plus personne ne parle d'un énorme projet, international, qui coûte chaque année des sommes très importantes : ITER. À un moment donné, un gouvernement fait le choix de ne pas courir tous les sujets, parce qu'il faut remettre de l'argent, parce que la technologie n'est toujours pas au point. Ceux qui sont restés longtemps en poste devraient reconnaitre que de conseil de politique nucléaire en conseil de politique nucléaire, on demandait toujours à remettre de l'argent.

On m'a dit à plusieurs reprises, y compris des diplomates du ministère des affaires étrangères – on prend leur avis sur de tels sujets ; je ne crois pas qu'ils possèdent une compétence technique en la matière – qu'il allait y avoir bientôt des commandes de réacteurs français en Inde. On en parle depuis des années, cela est vrai, mais il n'y en a pas. « Peut-être qu'au Brésil, nous allons y arriver » : rien. « En Chine, il y aura d'autres développements que Taishan » : il n'y en a pas eu. « En Grande Bretagne, ils sont prêts à nous recommander un réacteur plus petit que l'EPR ». J'ai effectué le travail. Pour reprendre l'expression de M. Bréchet, nous ne sommes pas des « zozos ». Je suis allé demander aux ministres anglais où ils en étaient, ce qu'ils étaient prêts à faire. « Pour l'instant, on n'y touche pas. On a commandé Hinkley Point, on va au bout, mais on va à fond sur l'éolien en mer ». On va toujours sur ITER, on le soutient toujours, on fait des choix, cela coûte de l'argent. On décide de ne pas se disperser tous azimuts sur le nucléaire.

Peut-être est-ce un tort, mais peut-être faudrait-il effectuer un jour le compte de tout ce que l'on a dépensé dans des programmes de recherche, dont certains n'ont jamais abouti alors que ce n'est pas dans le coût de l'électricité. Sur le pétrole par exemple, si Total effectue des projets de recherche, cela figure dans les comptes de Total. L'institut français du pétrole et des énergies nouvelles (IFP-EN) est cofinancé par les industriels du secteur. Dans l'automobile est un secteur industriel majeur pour la France, avec des enjeux majeurs (batteries, hydrogène), il existe parfois des subventions de l'État, mais dans le but que cela aboutisse. C'est cela le sujet sur Astrid.

Si un jour, dans plusieurs pays dans le monde, c'est en train d'aboutir, si l'on relance le sujet, pourquoi pas. Le savoir accumulé par nos chercheurs, par nos laboratoires, n'est pas perdu.

J'entends parler de nouvelles technologies sur le nucléaire ou de remise au gout du jour de technologies anciennes. C'est très bien, mais cela s'effectue avec des gens qui considèrent que cela permettra de produire de l'électricité à un coût inférieur aux coûts d'aujourd'hui. Il ne faut pas balayer d'un revers de main la question du coût.

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