Intervention de Alexandre Loubet

Réunion du jeudi 16 mars 2023 à 14h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexandre Loubet :

Monsieur le Président de la République, tout le monde peut faire des erreurs, mais comment pouvez-vous vous satisfaire ainsi de la vente de la branche énergie d'Alstom à General Electric ? General Electric s'était engagée lors de la vente à créer 1 500 emplois ; elle en a supprimé un millier. Elle a très probablement pillé la technologie de la turbine Arabelle, s'en est emparée en l'achetant, et c'est maintenant, alors que cette technologie que le monde nous enviait est partie aux États-Unis, que la branche énergie d'Alstom redevient française. Alstom était un leader français des réseaux électriques et des turbines nucléaires, mais aussi hydrauliques, avec lesquelles il fournissait 25 % du marché mondial.

La solution Siemens n'était peut-être pas parfaite, mais n'aurait-elle pas limité les dégâts en matière de perte de savoir-faire et d'emplois industriels ? Au moins, c'était une entreprise européenne.

Pouvez-vous nous exposer les raisons pour lesquelles la direction d'Alstom a souhaité vendre sa branche énergie ? Votre ancien ministre, M. Arnaud Montebourg, a évoqué devant nous l'incarcération du fameux cadre d'Alstom – M. Pierucci, pour ne pas le nommer – dans des conditions particulières ; il a regretté les défaillances de l'intelligence économique française et dénoncé un chantage de la part des renseignements américains dans cette affaire, laissant entendre que la vente avait représenté, plus qu'un simple accord commercial, un bras de fer entre la puissance française et les États-Unis que nous avons – que vous avez – perdu. Selon M. Arnaud Montebourg, l'espionnage américain a lourdement pesé dans la décision de vente. Que pensez-vous de cette déclaration ?

Il existait un moyen – vous l'avez évoqué – de bloquer cette vente : le recours au « décret Villepin », renforcé sous votre présidence – mais encore fallait-il l'utiliser – par M. Arnaud Montebourg.

En ce qui concerne le seuil de 50 % de production nucléaire dans le mix électrique français, qui, parmi la multitude de conseillers techniques et d'entités apportant leur expertise dans ce domaine, vous a convaincu que la mesure était réalisable ? Le chiffre est issu d'un accord politicien entre socialistes et écologistes, mais sur quelle base scientifique vous êtes-vous fondé pour prendre cette décision majeure dont nous payons aujourd'hui les conséquences ? Fort heureusement, le seuil saute dans le projet de loi de relance du nucléaire en cours d'examen.

Vous n'avez pas fermé de centrale nucléaire durant votre quinquennat, c'est tout à fait vrai ; mais, en créant ce seuil, vous avez reporté la fermeture d'une centrale sur votre successeur, M. Emmanuel Macron, qui a finalement appliqué la loi de votre majorité socialiste – certes, il aurait pu revenir sur elle, de sorte qu'il porte une part de responsabilité. Comment pouviez-vous rationnellement penser, lorsque vous étiez en fonctions, qu'un mix électrique comportant 50 % de production nucléaire permettrait, à l'horizon 2025, de sécuriser l'approvisionnement électrique du pays ? N'avez-vous pas anticipé la possibilité de pénuries ? Quels leviers pouviez-vous trouver ? Je suis élu de Saint-Avold, où l'on vient de relancer une centrale à charbon pour 600 mégawatts afin de compenser la fermeture de Fessenheim, qui représentait 1 800 mégawatts de production électrique nucléaire.

À la lumière de nos connaissances scientifiques et techniques actuelles, la part de 50 % d'énergies renouvelables dans le mix électrique n'apparaît-elle pas comme une lubie ? Peu après la fin de votre quinquennat, la Cour des comptes a dénoncé dans un rapport la gabegie du soutien public aux énergies renouvelables – hors hydraulique, évidemment. Ce sont plus de 120 milliards que l'État s'est engagé à apporter, dans le cadre des contrats signés avant 2017, au financement d'éoliennes et de panneaux photovoltaïques. C'est à peu près le coût de construction du parc nucléaire français, pour des énergies qui ne parviennent même pas à assurer 20 % de notre production électrique – et encore, quand il y a du vent et du soleil… Avec le recul, ne pensez-vous pas que c'était un phénomène de mode qui n'a plus de raison d'être ?

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