Intervention de Stéphane Vojetta

Séance en hémicycle du jeudi 30 mars 2023 à 9h00
Lutte contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Vojetta, rapporteur de la commission des affaires économiques :

Les réseaux sociaux font désormais partie de notre quotidien, qu'on le veuille ou non. Le génie est sorti de sa bouteille il y a déjà bien longtemps, et il faut reconnaître qu'il se comporte trop souvent en mauvais génie. Écoutons, par exemple, les influenceurs Marc et Nadé Blata nous parler d'argent facile : « Gagner beaucoup d'argent dans le digital, c'est possible. On l'avait fait avec le copy trading, avec les cryptomonnaies […]. Marc n'a plus rien à prouver quand il s'agit de savoir comment faire de l'argent ».

Ces discours récurrents sur les réseaux sociaux qui font miroiter l'argent facile, qui imposent des standards physiques irréalistes et inatteignables finissent par façonner le développement psychique et cognitif de nos enfants et de nos adolescents, mais aussi de nombreuses femmes et de nombreux hommes.

Les consommateurs et les épargnants, quant à eux, ne se contentent plus de réaliser leurs achats en ligne ou d'investir directement sur des plateformes électroniques. Ce sont désormais leurs choix et leurs décisions qui sont dictés et formatés par les réseaux sociaux, à travers des personnes qui promeuvent des produits en échange d'une contrepartie économique. Cela s'appelle l'influence commerciale et ceux qui l'exercent sont nommés influenceurs.

Les contenus à caractère promotionnel qu'ils proposent constituent la principale source de financement d'une activité par ailleurs souvent créative et passionnante. Cette influence commerciale est devenue un canal stratégique et légitime pour le marketing de nos produits, de nos marques, de nos annonceurs. Un canal qui brasse des milliards d'euros et qui, la plupart du temps, se comporte de manière éthique et légale – mais pas toujours.

Trop souvent, des influenceurs commerciaux, parfois par naïveté mais fréquemment à dessein et de manière organisée, contournent la loi dans leur recherche d'un gain personnel fondé sur la tromperie d'un consommateur pris au piège par la confiance installée entre l'influenceur et son audience. Cela s'appelle tout simplement une arnaque : arnaque au dropshipping, aux abonnements cachés ou au compte personnel de formation (CPF), pratiques médicales douteuses, copy trading ou structures pyramidales : les exemples abondent, hélas.

Nous sommes réunis ce matin pour encadrer cette activité d'influence commerciale, pour mettre fin à ses dérives et pour dire à ceux qui en sont victimes que nous les avons entendus. Ces victimes existent ; nous les avons reçues dans nos bureaux et à la commission des affaires économiques. Nous les avons écoutées raconter les petits et les grands drames de ceux qui ont suivi ces conseils et perdu leurs quelques centaines ou milliers d'euros d'épargne en misant tout sur le rouge alors que c'est le noir qui est sorti ou en pariant sur la mauvaise cryptomonnaie, ou ces histoires tragiques de pratiques médicales bâclées ou frauduleuses, dont les victimes porteront les stigmates bien longtemps dans leur chair et dans leur âme. C'est aussi au nom de ces victimes que nous devons agir.

Plutôt que citer un rappeur, je préfère convoquer les mots de Bono, le leader du groupe irlandais U2, que j'ai entendu un jour expliquer que l'on peut être en désaccord sur presque tout mais que, tant que la chose sur laquelle on est d'accord est suffisamment importante, alors oui, on peut travailler ensemble.

Arthur Delaporte et moi ne partageons pas les mêmes idées : nul besoin de dresser ici la liste de nos nombreux désaccords. Mais en choisissant de nous faire confiance mutuellement, nous avons décidé que l'encadrement de l'influence était une cause suffisamment importante. Nous avons donc choisi de travailler ensemble, et je le remercie d'avoir accepté la main tendue. L'union était nécessaire afin d'éviter les textes contradictoires et les batailles partisanes.

Je veux également remercier ceux de nos collègues qui ont voulu travailler avec nous de m'avoir démontré que nous pouvons parfois oublier nos discordes habituelles. Je remercie enfin le groupe Renaissance pour son soutien et sa volonté de relever le défi, volonté dont témoigne le temps d'examen réservé à ce texte dans le cadre de la niche Renaissance.

Ce texte se nourrit notamment des conclusions des travaux du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ; je pense entre autres aux tables rondes de Bercy, qui ont réuni toutes les parties prenantes du secteur, ainsi qu'à la consultation publique, qui a rassemblé des dizaines de milliers de contributions.

La proposition de loi n'a qu'une boussole – protéger les consommateurs – et ses quatre points cardinaux sont : clarifier, encadrer, responsabiliser et éduquer.

La clarification des règles, Arthur Delaporte vient de l'évoquer.

Encadrer, c'est rendre obligatoire l'établissement d'un contrat écrit entre l'influenceur et son agence ou son annonceur. C'est aussi rendre l'application de la loi française incontournable et s'assurer que la responsabilité civile des acteurs soit engagée, et ce même s'ils exercent leur activité depuis l'étranger.

Responsabiliser, c'est appliquer le règlement européen relatif à un marché unique des services numériques, le DSA, à l'influence commerciale pour imposer aux plateformes une série d'obligations : elles doivent mettre à disposition du public des outils de signalement efficaces, répondre aux signalements et collaborer avec nos autorités.

Enfin, car il faut toujours penser d'abord à notre jeunesse, éduquer, c'est intégrer la notion de sensibilisation contre les dangers d'ordre commercial au sein de la formation aux risques numériques dispensée dans nos établissements scolaires.

Tout cela aboutit à un texte qui propose d'établir, pour la première fois en Europe, un encadrement transversal de l'activité d'influence commerciale, un texte qui pourra inspirer d'autres pays, voire l'Union européenne.

Je ne peux pas conclure mon propos sans avoir un mot pour ma responsable de texte, Violette Spillebout, qui a subi mardi une agression intolérable. Merci à toi, Violette, d'être parmi nous, malgré tout. Merci pour ton courage et pour ton engagement, notamment au service de cette cause, qui, je le sais, te tient particulièrement à cœur.

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