Intervention de Bernard Émié

Réunion du mercredi 15 février 2023 à 15h30
Commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères-États, organisations, entreprises, groupes d'intérêts, personnes privées-visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des

Bernard Émié, directeur général de la sécurité extérieure :

Pour ce qui concerne Huawei, mon souci est d'éviter que nous soyons espionnés, c'est-à-dire que les communications françaises remontent directement vers des services étrangers. Dès lors que ce risque est documenté et expliqué clairement, il est possible de convaincre. Nous vivons cependant dans un pays de droit, avec des contrats et des engagements : s'il est possible de stipuler pour l'avenir, il est plus difficile de revenir sur ce qui a été fait précédemment. On peut s'efforcer de poser des digues, mais je ne suis que le patron du service de renseignement extérieur : je reste donc à ma place, où la charge est, du reste, déjà lourde. Bref nous devons être très vigilants et, le cas échéant, alerter et expliquer, ce qui permet de renforcer les digues.

C'est le sens de l'image, peut-être un peu simpliste, que j'ai employée tout à l'heure en opposant les équipements de télécommunications de Huawei et les cœurs de réseaux, la construction des systèmes de demain : ce sont des choses très différentes. Comme vous l'avez dit, les Américains ont été beaucoup plus catégoriques, certes pour défendre leurs intérêts mais aussi parce qu'ils sont plus intransigeants : songez que seize pays européens ont accepté d'entrer dans un groupe dénommé « 16+1 » dans lequel les Chinois les ont attirés pour tenter de diviser l'Union européenne [N/A1]! Par ailleurs, sur ce sujet, l'action du commissaire Thierry Breton a été digne d'éloges : faute d'avoir les moyens d'interdire, il a donné l'alerte et fait en sorte d'expliquer la situation.

Quant à savoir si nous aurions pu faire plus, ce n'est pas à moi d'en juger, et je ne vous répondrai donc pas. Mon travail était de tirer la sonnette d'alarme et de signaler des situations sensibles aux personnes concernées.

L'opposition entre la souveraineté et l'efficacité est un problème difficile : vaut-il mieux acheter sur étagère le meilleur système ou avoir un système un peu moins bon, mais élaboré en sécurité à l'échelle nationale ? On peut en débattre à l'infini.

Cela me conduit à votre deuxième question, qui porte sur la distinction entre influence et ingérence. Si le citoyen que je suis peut être choqué de certaines méthodes de recrutement par exemple, le chef de la DGSE n'a aucun moyen d'agir, car cela relève d'une appréciation politique. Soit donc il existe des règles – fixées par le législateur, par la structure concernée, comme par la HATVP, par la société concernée – soit il n'en existe pas, auquel cas on ne peut pas reprocher à telle personne d'entrer au conseil d'administration d'une société étrangère. Quant à savoir si c'est moralement bien.

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