Intervention de Benjamin Haddad

Réunion du jeudi 23 mars 2023 à 9h15
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBenjamin Haddad, président :

Nous recevons ce matin, celui sans qui cette commission d'enquête n'existerait pas, M. Mark MacGann, ancien dirigeant et lobbyiste d'Uber, lanceur d'alerte sur les pratiques de la société Uber en Europe.

M. MacGann, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie de vous être rendu disponible pour répondre à l'invitation de notre commission d'enquête, dont l'objet est double. Il s'agit, d'une part, d'identifier l'ensemble des actions de lobbying menées par Uber pour s'implanter en France ainsi que le rôle des décideurs publics de l'époque, et d'émettre des recommandations concernant l'encadrement des relations entre décideurs publics et représentants d'intérêts ; d'autre part, d'évaluer les conséquences économiques, sociales et environnementales du développement du modèle Uber en France – la fameuse « ubérisation » –, et les réponses apportées et à porter par les décideurs publics en la matière.

Dans ce cadre, il nous a paru indispensable de vous entendre pour comprendre votre démarche personnelle de lanceur d'alerte et pour approfondir les révélations des journalistes du quotidien Le Monde dans les articles relatifs aux Uber Files résultant des 124 000 documents que vous avez bien voulu leur laisser consulter.

Selon les informations qui ont été révélées, les dirigeants d'Uber dont vous faisiez partie, ont, avec l'aide du réseau Fipra, ébauché une stratégie de lobbying pour approcher près de 1 850 « cibles » ou personnalités politiques dans « une trentaine de pays européens », pour appuyer la démarche d'implantation d'Uber de 2013 à 2015. La société Uber se serait également appuyée sur des cabinets d'intelligence économique, tels qu'Istrat, pour insuffler une stratégie de communication, parfois dénigrante vis-à-vis des taxis, ainsi que sur des économistes de renom, pour expliquer aux décideurs politiques que l'arrivée d'Uber était une chance pour la France, pour l'emploi, pour les consommateurs et pour la croissance. Grâce à ces relais, la société Uber aurait réussi à s'entretenir avec des décideurs politiques de premier plan dès 2013-2014.

Il importe aussi que vous indiquiez si, selon vous, la démarche de lobbying de la société Uber revêtait ou non un caractère exceptionnel par rapport aux méthodes de lobbying que vous aviez mises en œuvre pour d'autres clients, dans d'autres secteurs d'activité, et si les méthodes d'Uber en France différaient de celles que vous avez observées sur d'autres marchés dans d'autres pays.

Par ailleurs, il ressort de nos précédentes auditions que la société Uber aurait choisi d'imposer son modèle économique en dépit de son incompatibilité avec certaines lois françaises, dans le cadre d'une démarche volontaire et consciente. Uber aurait également fait obstacle à des contrôles administratifs de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et de l'Urssaf, en utilisant un logiciel permettant de supprimer tout accès au réseau en appuyant sur un seul bouton – le fameux « kill switch » largement évoqué par les médias – afin d'éviter d'éventuelles poursuites ou sanctions.

Quel a été votre rôle dans le cadre de ces démarches de la société Uber ? Comment les avez-vous mises en place en France et dans d'autres pays ? Leur mise en œuvre s'est-elle révélée plus facile en France qu'ailleurs ? A-t-elle été efficace ?

Nous souhaitons aussi savoir pour quelles raisons vous avez changé d'avis et considéré qu'il convenait désormais de dénoncer publiquement les pratiques d'Uber après les avoir soutenues pendant de nombreuses années.

Je vous propose de nous présenter votre parcours, ce qui vous a amené à la société Uber et, ensuite, à vous engager dans une démarche de lanceur d'alerte, en précisant notamment les modalités de votre mise en relation avec les médias concernés. Nous poursuivrons ensuite par un échange sous forme de questions-réponses.

Je rappelle que cette audition est ouverte à la presse et retransmise en direct sur le site de l'Assemblée nationale.

L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes entendues par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

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