Intervention de Jacques Attali

Réunion du jeudi 23 mars 2023 à 9h15
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Jacques Attali, président de la commission pour la libération de la croissance française en 2008 :

Si je puis me permettre, madame la parlementaire, il vous revient d'effectuer votre travail. C'est à vous d'écrire la loi et de faire en sorte qu'elle assure la protection des travailleurs. Cette loi, il faut la voter à Paris ou à Bruxelles, mais il faut la faire. Avec le Parlement européen, il vous revient de faire en sorte que des conditions de travail des salariés soient les plus protectrices possible.

Je partage votre diagnostic, qui est d'ailleurs bien plus vaste que la seule question des taxis. Il renvoie à la domination du marché sur la démocratie, que j'évoque souvent dans mes travaux. Le marché est mondial, la démocratie nationale, et le marché mondial l'emporte et impose sa loi à la démocratie. C'est l'un des grands dangers que courent nos sociétés. Nous en voyons quelques manifestations en abordant le sujet dont nous parlons. Mais il en existe de bien plus importantes dans de nombreux autres domaines où, aussi longtemps qu'il n'existera pas des réglementations nationales fortes ou une réglementation internationale capable de rivaliser avec la puissance des multinationales, nous irons vers un marché mondial sans État de droit. Ce marché imposera sa règle en droit du travail comme en d'autres domaines à des sociétés qui ensuite, pour le pire, choisiront de se refermer avec un totalitarisme ou un populisme pour éviter provisoirement la règle du marché – provisoirement, car cela ne fonctionnera pas. La seule solution pour se protéger est d'instaurer une règle internationale forte, que les démocraties imposeront ensemble.

Ces règles existent. Dans le domaine qui nous intéresse, elles ont été édictées par l'Organisation internationale du travail (OIT). Il faudrait simplement que cette dernière soit écoutée. Si l'on considérait qu'un pays qui ne respecte pas les réglementations internationales du travail n'est pas autorisé à exporter en bénéficiant des règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), nous aurions réglé pratiquement tous les sujets dont nous parlons. Mais nous en sommes encore très loin. C'est de la science-fiction politique.

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