Intervention de Buon Tan

Réunion du jeudi 23 mars 2023 à 15h00
Commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères-États, organisations, entreprises, groupes d'intérêts, personnes privées-visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des

Buon Tan, ancien député :

Merci pour cette question qui me permet d'apporter une précision quant à mes origines. Mes parents sont nés au Cambodge, comme ensuite mes sœurs et moi-même. Mes grands-parents avaient émigré de Chine. Je suis d'origine teochew plutôt que chinoise.

La Chine regroupe un grand nombre de régions. Les Teochew sont originaires d'une zone située dans le sud-est de la province de Canton. Le teochew est un dialecte parlé par de nombreux Chinois. Historiquement, ce sont des gens très commerçants. Au début des années 1900, une famine régnait dans la région. Nombre de ses habitants ont donc fui et se sont installés un peu partout dans le sud-est de la Chine, au Vietnam, au Cambodge, à Singapour ou encore à Hong Kong.

Ma langue maternelle est le teochew. C'est en France que j'ai appris le mandarin. Il n'y avait pas de vraie filière d'apprentissage du chinois. Je l'ai appris un peu au lycée, puis à l'Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO), où je n'ai passé qu'un an car ensuite je n'ai plus été en mesure de suivre les cours. C'est surtout dans le cadre du travail que j'ai appris le mandarin, comme le cantonais – en particulier auprès des cuisiniers. Cela me permet de converser, mais je ne lis ni n'écris le chinois.

À l'époque où j'ai grandi, l'enseignement de la langue n'était pas très développé en France. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai contribué, à partir de 2008, quand j'ai été élu dans le 13e arrondissement, à créer une filière d'enseignement du chinois pour les enfants. Je suis persuadé en effet que ce n'est pas en maîtrisant l'anglais que nos enfants feront la différence, car tout le monde le parle ; le mandarin, en revanche, sera un outil important.

En ce qui concerne ma connaissance de la Chine, pour avoir commercé pendant longtemps avec ce pays et travaillé avec les associations, je me suis trouvé en contact avec de nombreuses personnes dans ce pays – mais pas seulement. Le 13e arrondissement, dont une partie se trouvait dans ma circonscription, est le plus grand « Chinatown » d'Europe. Pour ma part, je parle plutôt de « quartier asiatique » car, quand on creuse un peu, on s'aperçoit que les gens qui y vivent viennent du Cambodge, du Vietnam, du Laos ou encore de Thaïlande – autrement dit, d'« Indochine » –, mais très peu de Chine en tant que telle. Les Chinois sont arrivés un peu plus tard, dans les années 1980 et 1990, et se sont installés plutôt à Belleville, à Aubervilliers et rue du Temple. Pour en revenir au « quartier asiatique », quand on creuse un peu plus profondément, on constate que ses habitants sont souvent d'ascendance chinoise : leurs parents, grands-parents ou arrière-grands-parents étaient chinois, comme les miens. Nous partageons donc cette culture, et c'est ainsi que se sont créées des associations locales comme l'Amicale des Teochew, dont je suis le président d'honneur. Celle-ci regroupe des Teochew venant du Cambodge, du Laos ou encore du Vietnam. D'autres associations sont fondées sur la géographie : elles rassemblent des gens originaires de la même province – parfois même de la même ville, quand un grand nombre de personnes viennent d'une même région.

Pour avoir beaucoup travaillé avec ces associations, j'ai été amené très tôt à essayer de comprendre comment ces gens fonctionnaient. De la même façon, j'ai acquis des connaissances dans d'autres domaines, par exemple la grande distribution française, avec laquelle j'ai travaillé pendant plus de vingt ans. Je suis plus au fait de son fonctionnement que de celui de la grande distribution en Chine.

S'il faut parler de proximité, je serais naturellement plus proche du Cambodge que de la Chine, même si les enjeux liés à ce pays ne sont pas aussi importants. On en parle très peu, mais j'ai participé à une mission parlementaire au Cambodge, dont l'objectif était de travailler sur le mécanisme de suivi qui devait être lancé par l'Union européenne dans le cadre de l'initiative « Tout sauf les armes » (TSA). Là aussi, j'ai essayé d'améliorer les choses parce que je connaissais les gens, je savais comment il fallait leur parler. Au Cambodge, 70 % des ministres parlent français et ont une culture française.

Depuis quelque temps, surtout à cause des médias, les gens ont l'impression que je suis lié à la Chine, mais ce n'est pas le cas.

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