Intervention de Buon Tan

Réunion du jeudi 23 mars 2023 à 15h00
Commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères-États, organisations, entreprises, groupes d'intérêts, personnes privées-visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des

Buon Tan, ancien député :

Je vous remercie de me poser la question car je pourrai ainsi m'expliquer. Peut-être l'ignorez-vous mais Paris est la première capitale au monde à avoir érigé une stèle en commémoration du génocide cambodgien, en 2018. C'est moi qui ai présenté le projet. Nous y avons travaillé de bonnes années et cela nous a pris beaucoup de temps de venir à bout des blocages administratifs. Finalement nous avons réussi, après y avoir longuement et patiemment travaillé avec les membres du Haut Conseil des Asiatiques de France, au sein duquel les Cambodgiens sont très actifs. Une fois l'autorisation obtenue de dresser une stèle dans le 13e arrondissement, nous avons souhaité y faire graver un message – la stèle était simple, en verre transparent. Ce message, je l'ai voulu en français et en cambodgien, pour rendre hommage aux victimes et aux familles des victimes de ces génocides. Or on m'a interdit d'utiliser le mot « génocide », en 2018, quarante-trois ans après l'entrée des Khmers rouges au Cambodge en 1975.

J'ai alors appris que personne, pas plus une association, une ville, un État qu'un Parlement, n'avait le pouvoir de décréter que des violences étaient un génocide. Seul un tribunal international le peut. Nous avons inauguré cette stèle et en novembre 2018, quelques mois après, le tribunal international a statué sur le caractère génocidaire de ce qui s'était passé au Cambodge. J'aurais fait installer la stèle en décembre, nous aurions pu y graver le terme de génocide. Vous pouvez aller vérifier, elle est toujours là.

J'ai, en effet, voté contre la résolution relative aux Ouïghours car non seulement nous n'avions pas le pouvoir de reconnaître le caractère génocidaire de ces violences, mais quand bien même nous l'aurions eu, cette reconnaissance était totalement inefficace. Regardez la réalité en face : le vote de cette résolution n'a rien changé. Vous vous êtes fait plaisir en votant quelque chose, c'est tout. Pour tout vous dire, j'étais loin de penser que je serais le seul à voter contre. Peut-être aurais-je dû faire comme certains collègues et passer le temps du vote à la buvette. J'ai préféré voter en mon âme et conscience. J'ai refusé de voter une résolution qui demandait à l'État français de se prononcer sur le génocide des Ouïghours, c'est vrai. Mais il est faux de prétendre, comme cela s'est produit ensuite, que j'avais voté pour le génocide, sous la menace ou la contrainte. Rien de tout cela n'est arrivé.

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