Intervention de Sébastien Mathouraparsad

Réunion du vendredi 24 mars 2023 à 14h00
Commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la constitution

Sébastien Mathouraparsad :

La diminution des transferts a effectivement un impact.

J'étais au ministère des outre-mer lorsqu'une évaluation a été menée sur les mécanismes de défiscalisation dont bénéficiaient la navigation de plaisance et les investissements industriels. Le rapport montrait que ces dispositifs attiraient certes des investissements, mais produisaient aussi des effets pervers : d'une part, les entreprises étaient suréquipées par rapport à la capacité du territoire et, d'autre part, le montage de dossiers de défiscalisation nécessitait des intermédiaires qui captaient une large partie de la dépense fiscale – autrement dit, cela créait des situations de rente. C'est en partie pour ces raisons que la défiscalisation a été rabotée.

De mémoire, les effets de la TVA NPR étaient discutables : certes, ils étaient bénéfiques pour la trésorerie des entreprises, mais ils n'étaient pas significatifs en matière d'activité. Évaluer les dispositifs est une très bonne chose. Il faudrait même le faire systématiquement, dans tous les territoires. Cela dit, avant d'en supprimer un, il convient d'examiner les enjeux dans leur ensemble – c'est ma spécialité : j'essaie d'aborder les effets des mécanismes sur le comportement de l'ensemble des agents, dans les différents secteurs, ainsi que les effets indirects –, de manière à voir comment on pourrait l'améliorer pour atteindre les objectifs visés.

Je prendrai un exemple tout bête. Imaginons que l'on crée une exonération de charges en partant du principe que si l'on réduit le coût salarial, les entreprises vont embaucher. Il faut tenir compte du fait que les entreprises sont contraintes par leurs débouchés : elles n'embauchent que si elles ont besoin de le faire. Si la demande n'augmente pas, les entreprises continuent à écouler le même volume et n'embauchent pas. Si un boulanger vend dix baguettes par jour, vous aurez beau réduire ses coûts de production, cela n'augmentera pas le volume de ses ventes car la demande restera la même. Un ménage qui consomme une baguette par jour n'a aucune raison d'en acheter davantage. En revanche, si l'on augmente le revenu de ce ménage, il se peut qu'il prenne une pâtisserie en plus de la baguette. À ce moment-là, l'activité du boulanger sera stimulée.

Il faut penser à la fois aux effets directs et aux effets indirects, et se demander comment on peut stimuler le comportement des acteurs. Pour reprendre le même exemple, comment stimuler l'emploi par une exonération de charges ? On peut conditionner la perception de l'aide à l'embauche d'un travailleur supplémentaire. Une expérimentation, qui a été arrêtée, a montré qu'une exonération de charges maintenait l'emploi, à défaut d'en créer. Autrement dit, si l'on veut créer de l'emploi, il faut intervenir et stimuler. Adam Smith disait déjà, au xviiie siècle, que c'est non pas à la bienveillance du boulanger que l'on doit son pain, mais à l'intérêt qu'il retire à le vendre. Il ne faut pas se contenter de penser que les agents vont se comporter de telle ou telle façon : il convient de les encourager à se comporter comme on le souhaite.

En l'occurrence, la dépense fiscale est importante – plus d'une vingtaine de milliards ; on peut imaginer des dispositifs beaucoup plus efficaces.

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