Intervention de Benoît Cœuré

Réunion du vendredi 24 mars 2023 à 14h00
Commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la constitution

Benoît Cœuré, président de l'Autorité de la concurrence :

J'ai la conviction que, sur ces sujets, il faut une action d'ensemble. La politique de la concurrence est un élément d'une action plus globale, qui doit mobiliser plusieurs instruments. Pour traiter le problème de concentration verticale dans la grande distribution, nous disposons désormais d'un instrument législatif. Toutefois, il ne s'agit que d'une partie du problème. La décomposition du surcoût présentée dans le rapport annuel de 2019 démontre qu'il faut tenir compte des problèmes d'accès liés au transport maritime et à l'octroi de mer. Le surcoût de la vie en outre-mer est la combinaison de données internes et externes aux territoires.

Il faut donc mobiliser une combinaison d'instruments différents, d'autant que certains instruments relevant de la politique de la concurrence ne sont efficaces que si le contexte le permet. Par exemple, le pouvoir d'injonction structurelle, conféré à l'Autorité de la concurrence uniquement pour l'outre-mer, et dont les conditions d'application, s'agissant notamment du standard de preuve, ont été durcies puis rétablies dans leur état initial, n'a jamais été utilisé. Nous le prenons au sérieux et sommes prêts à l'utiliser, à condition que les conditions le permettent.

Supposons que l'Autorité de la concurrence décide de l'utiliser pour enjoindre à un grand groupe de distribution de céder des enseignes ou des magasins dans un territoire donné. Il faut qu'il s'y trouve des acheteurs. Pour ce faire, il faut que le territoire soit économiquement attractif.

Régulièrement, il s'avère que les opérations de concentration sur lesquelles nous intervenons donneraient à l'entité qui en résulterait un pouvoir de marché excessif. Régulièrement, nous imposons des conditions, notamment sous forme de cessions, comme nous l'avons fait récemment à La Réunion et à la Martinique. Dans les territoires d'outre-mer, la discussion pour trouver un repreneur est souvent plus longue qu'en métropole. Il faut trouver un acheteur intéressé mais pas installé, faute de quoi le problème de concentration n'est pas réglé. Récemment, à La Réunion, un partenaire intéressé par la reprise de l'entreprise Vindémia s'est avéré fragile. Nous examinons à présent la proposition d'un partenaire mauricien, auquel nous avons accordé une dérogation. Tout cela prend beaucoup de temps.

Ces exemples démontrent que, en règle générale, les instruments de la politique de la concurrence sont efficaces si les territoires sont attractifs, ce qui suppose que les obstacles fiscaux et les autres obstacles soient levés. La nécessité d'une action d'ensemble n'est pas pour nous une raison de ne pas agir, mais certains de nos instruments sont difficiles à utiliser si les autres obstacles ne sont pas levés. C'est la raison pour laquelle notre rapport annuel de 2019 adopte une approche globale et émet des recommandations sur tous les leviers d'action, dont ceux qui sont hors de notre périmètre, tel que l'octroi de mer.

S'agissant des moyens, m'exprimant au sein du Parlement, qui vote mon budget, je serais tenté de répondre que l'Autorité de la concurrence n'en a pas suffisamment.

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