Intervention de Jean-Philippe Tanguy

Réunion du mercredi 29 mars 2023 à 16h30
Commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères-États, organisations, entreprises, groupes d'intérêts, personnes privées-visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Philippe Tanguy, président :

Je respecte votre travail d'universitaire et votre exposé introductif sur l'état de la corruption en Russie était très intéressant. Parfois, toutefois, j'observe un changement brutal. De nombreux éléments sont sourcés, à partir d'enquêtes conduites par vous ou par vos collègues – enquêtes de terrain et retours d'expérience. Mais parfois, vous fonctionnez par capillarité. Vous considérez que puisque des problèmes ont été prouvés dans d'autres pays d'Europe centrale, ils pourraient y en avoir en France. Vous ne l'avez pas fait pour l'élection présidentielle, indiquant que des ingérences ont été constatées aux États-Unis et dans d'autres pays, mais pas en France. On peut aussi estimer, comme l'ont fait certaines auditions, rassurantes de mon point de vue, que la démocratie française et nos institutions nous protègent, tout comme le mode de financement électoral, nos services de renseignements et le principe de transparence instauré depuis plusieurs années à l'Assemblée nationale, au Sénat et au Parlement européen.

Ce n'est pas parce que cela se passe mal ailleurs que cela se passe nécessairement mal partout. Il faut être vigilant. C'est d'ailleurs l'objet de cette commission. Nous auditionnons différentes personnes, de manière totalement libre. Vous avez ainsi pu tenir tous les propos que vous souhaitiez. Mais nous devons établir des faits. Il se peut que vous ayez des inquiétudes ou des intimes convictions mais parfois, il me semble que vous procédez par capillarité en faisant des associations de noms troublantes.

Je prendrai mon propre exemple. Vous évoquiez la contestation des sanctions contre le régime russe depuis l'annexion de la Crimée. Je ne conteste pas toutes les sanctions. Je ne conteste pas les sanctions bancaires ou relatives aux puces et au matériel stratégiques. Elles sont justifiées et elles fonctionnent. Mais mon analyse consiste à considérer que certaines sanctions favorisent le régime russe. Il faut être factuel et appliquer la même rigueur pour tous les sujets. Je ne les conteste pas parce que je les trouve terribles pour la France ou parce qu'il faut continuer à faire des affaires avec la Russie, mais parce que j'estime qu'elles renforceront le régime russe. Par contre-sanction, celui-ci pourra créer un régime agricole comme après les sanctions de 2014. J'ai ainsi les témoignages d'agriculteurs normands dont on a acheté le savoir-faire, permettant au régime russe de créer une filière agricole qu'il n'avait pas, ou à tout le moins de la renforcer.

Finalement, je me retrouve accusé de critiquer les sanctions, alors que la critique que j'ai toujours faite est que certaines sanctions favorisaient le régime russe. Il faut faire une différence entre les raisonnements par capillarité et l'analyse académique détaillée. Quel est votre sentiment en la matière ? Je n'ai, à aucun moment, voulu défendre le régime russe.

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