Intervention de Nicolas Tenzer

Réunion du mercredi 29 mars 2023 à 16h30
Commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères-États, organisations, entreprises, groupes d'intérêts, personnes privées-visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des

Nicolas Tenzer, président du Centre d'étude et de réflexion pour l'action politique (CERAP) :

. Les réseaux européens d'extrême droite sont puissants mais il faut bien se rendre compte que Maloveïef est aussi un gangster. Les personnes mises en avant dans le régime de Poutine entretiennent des liens avec le crime organisé et la mafia, comme en atteste Les hommes de Poutine, remarquable ouvrage de Catherine Belton, ancienne correspondante à Moscou du Financial Times. Lié à des mouvements suprémacistes blancs américains, à la mouvance Bannon ou au mouvement QAnon, Malofeïev a essayé de les fédérer.

Des partis d'extrême droite ont en effet soutenu la Russie : l'AfD, en Allemagne, le mouvement de Salvini en Italie et celui de Berlusconi, même si celui-ci ne peut être qualifié d'extrême droite. C'est également le cas en Estonie, où le parti d'extrême droite EKRE a été battu aux dernières élections législatives, en Hongrie, en République tchèque, en Slovaquie, en Bulgarie. Une internationale fortement encouragée par le Kremlin se dessine ; elle est composée de personnalités qui soutiennent des discours de rapprochement avec la Russie ou visant à laver les crimes de la Russie ou du régime d'Assad. En France, M. Mariani en est un exemple, mais il en existe d'autres. Je vous invite à examiner la composition des délégations qui ont rencontré régulièrement des responsables du régime d'Assad ou qui se sont rendues en Crimée occupée illégalement : un ancien parlementaire, M. Myard, l'ancien sénateur Pozzo di Borgo, un membre du parti socialiste, M. Bapt. Les personnalités concernées sont diverses.

Des chaînes liées à l'extrême droite sont également très présentes sur ce terrain. TV Libertés défend toujours la Russie. M. Asselineau et M. Dupont-Aignan, membre de votre commission, malheureusement absent aujourd'hui, et M. Philippot se positionnent clairement en ce sens. Le soutien à la Russie se conjugue souvent avec la critique des mesures sanitaires, à la critique antivaccin et au climatoscepticisme. Une telle conjonction apparaît sur les réseaux Twitter et Facebook et dans de faux médias comme France-Soir, qui est complotiste. C'est aussi le cas de certaines émissions de Radio Courtoisie, proche de l'extrême droite, et d'autres encore. Dans l'émission qu'il anime sur Sud Radio, André Bercoff, très favorable à la Russie, donne la parole à des complotistes ou à des affabulateurs. J'ai oublié le nom d'une personne invitée sur cette chaîne, vivant maintenant en Russie, qui répandait des nouvelles invraisemblables sur le Donbass.

Le site Omerta est également très lié à l'extrême droite. Régis le Sommier, le directeur de sa rédaction, est très clairement de ce bord. Omerta est un peu un annuaire, comme le Dialogue franco-russe. L'Observatoire franco-russe, situé en Russie et lié à la chambre de commerce franco-russe, est un organe de propagande douce bien connu, qui défend les thèses du Kremlin et qui se montre très actif s'agissant de la levée des sanctions. Y siègent des personnes qui défendent des théories parfois « limites ».

D'autres personnalités présentes sur des chaînes plus classiques font partie de cette nébuleuse. Prenez la liste des personnes invitées par le Dialogue franco-russe : à côté de personnalités d'extrême droite comme M. Mariani et M. Gentillet, on trouve M. Pozzo di Borgo ou l'industriel Jean-Pierre Thomas. Faites la liste des personnes invitées et souvent rémunérées par Russia Today ! Toutes ne sont pas nécessairement des agents prorusses mais certaines, régulièrement invitées, le sont. À côté de cas extrêmes et bien connus comme ceux de Philippe Migault et de Xavier Moreau, désormais établis en Russie et liés au site Strapol, il y a beaucoup de gens beaucoup moins visibles.

À l'époque où il était ambassadeur de Russie en France, M. Orlov tenait table ouverte et recevait certaines personnalités. Certains disaient – je n'ai pas pu le vérifier mais d'aucuns l'affirment, forts de certains éléments – qu'il y avait toujours avantage à assister à ces déjeuners ou dîners. Il n'invitait pas que des politiques ou des fonctionnaires, tant s'en faut, mais aussi des universitaires ou des membres de think tanks.

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