Intervention de Carole Grandjean

Séance en hémicycle du jeudi 11 mai 2023 à 9h00
Mobilité internationale des alternants pour un "erasmus de l'apprentissage" — Présentation

Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels :

L'Europe s'est dotée, il y a de cela vingt-trois ans, d'une devise qui m'est chère : Unie dans la diversité. Au-delà du symbole, cette devise nous oblige : États, représentants politiques, mais également citoyens de l'Union. Elle nous rappelle l'histoire d'un continent qui s'est déchiré à de trop nombreuses reprises, mais qui a su, par la force de ses convictions, bâtir une union d'États mue par les principes de respect des souverainetés, de partage et de coopération. Ce projet, il nous revient d'en porter l'héritage, mais, surtout, d'en inventer la destinée par les institutions européennes bien sûr, mais également par des décisions nationales qui permettent de rendre concrètes, pour l'ensemble de nos concitoyens, les avantages et les opportunités qu'offre l'Union.

Chers députés de la majorité, cher Sylvain, la proposition de loi que vous soumettez à l'Assemblée nationale ce matin fait partie de celles qui offrent à nos concitoyens la liberté de s'enrichir de cultures et de compétences diverses. Avec Erasmus, nous avons permis l'émancipation de nos jeunes étudiants à travers l'Union. Avec Erasmus +, nous leur avons ouvert l'accès au monde. Le succès de ce programme emblématique n'est plus à démontrer.

Par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018, nous avons œuvré pour que nos apprentis bénéficient de périodes de formation dans un pays étranger, qu'il soit membre de l'Union européenne ou non. La tâche d'organiser et de financer la mobilité de véritables salariés d'une entreprise était loin d'être simple. Nous avons alors pris deux décisions fortes. La première a été l'instauration d'une obligation pour tous les CFA de se doter d'un référent mobilité dont le rôle est d'accompagner les apprentis dans leur projet, d'aider à la constitution des dossiers de visa, de demande de logement et de transport, d'organiser le financement et de faciliter les partenariats entre le CFA et les écoles ou entreprises étrangères. La seconde a été l'aide au financement de ces mobilités en garantissant aux CFA le financement de la fonction de référent, par les niveaux de prise en charge des contrats d'apprentissage et par la possibilité laissée aux opérateurs de compétences (Opco) de prendre en charge certains frais liés à la mobilité des apprentis relevant de leur entreprise. Il a également fallu convaincre les employeurs de l'opportunité que représente pour eux et leur entreprise le départ de leur apprenti dans une entreprise ou une école étrangère.

Des progrès considérables ont été réalisés en la matière, grâce aux efforts de nombreux acteurs engagés, parmi lesquels les CFA et l'association Euro App Mobility, mais nous avons dû redoubler d'effort pour parvenir à l'objectif fixé par le Président de la République : faire en sorte que la moitié d'une classe d'âge puisse avoir passé, avant ses 25 ans, au moins six mois à l'étranger.

Ce vœu repose sur un constat simple : la mobilité internationale enrichit les jeunes. Elle les rend plus employables, leur permet de gagner en expérience et d'acquérir des compétences transversales qui sont des richesses importantes pour les employeurs.

Tout cela, vous l'avez bien compris et avez donc souhaité favoriser l'accès à la mobilité des apprentis à travers cette proposition de loi. Je partage pleinement votre ambition d'accélérer et d'amplifier le mouvement lancé en ce sens lors du précédent quinquennat, en agissant sur deux leviers essentiels, la sécurisation des parcours de mobilité et la simplification des procédures. La sécurisation des parcours de mobilité renvoie à un enjeu capital d'égalité entre les apprentis. Quant à la simplification des procédures, elle présente un enjeu évident de facilitation et d'attractivité.

L'article 1er permettra de favoriser les mobilités longues, c'est-à-dire d'une durée supérieure à quatre semaines, et de sécuriser le parcours à l'étranger des apprentis français. Une disposition légale en vigueur, qui oblige à mettre en veille certaines clauses des contrats d'apprentissage – dont la rémunération et la protection sociale – pour les mobilités longues, fait perdre en souplesse, notamment à cause de la lourdeur des procédures qu'elle nécessite. Elle compte parmi les causes du non-recours aux dispositifs de mobilité pour beaucoup d'apprentis. Il fallait corriger cela. Votre texte permettra demain aux employeurs d'apprentis de choisir entre la mise en veille du contrat ou la mise à disposition de l'alternant auprès de la structure accueillante à l'étranger – modalité plus souple et surtout plus sécurisante pour l'apprenti, qui pourra conserver la rémunération et la protection sociale attachées à son contrat d'apprentissage. Les effets de cet article seront, j'en suis convaincue, importants et permettront de multiplier les mobilités longues.

L'article 2 de votre proposition de loi s'inscrit dans le même esprit de simplification et vise à faciliter le recours aux mobilités pour les apprentis, en simplifiant les démarches de partenariats pour les acteurs, notamment les CFA qui, grâce à leurs référents mobilité et à la force de leurs réseaux, démarchent des entreprises et écoles étrangères pour trouver des opportunités de mobilités à leurs apprentis. De nombreuses conventions cadres de coopération en matière de mobilité sont ainsi signées entre écoles, pour des mobilités académiques.

Toutefois, le droit français en vigueur oblige l'école étrangère à signer chacune des conventions individuelles de mobilité des jeunes apprentis français. Outre la difficulté administrative évidente que cela constitue pour les gestionnaires dans chaque pays, c'est un véritable frein à la conclusion de partenariats et in fine aux mobilités, notamment dans le supérieur, alors que, dans certains cursus – je pense notamment aux formations d'ingénieur –, une période de mobilité est nécessaire à l'obtention du diplôme. Vous ne vous en êtes pas satisfaits ; je vous approuve. L'article dispensera ainsi l'organisme de formation étranger de l'obligation de signer les conventions individuelles de mobilité dès lors qu'une convention cadre existe. Cette mesure pragmatique sera, je le sais, saluée par les réseaux de CFA pour la simplification qu'elle permet et le temps qu'elle permettra de dégager pour leurs équipes, afin que celles-ci accompagnent toujours mieux les jeunes.

Enfin, votre proposition de loi relèvera le défi de l'égalité entre les apprentis, en offrant un socle de protection sociale et en ouvrant la possibilité d'une harmonisation de la prise en charge des frais par les opérateurs de compétences. Les parcours seront sécurisés, grâce à différentes aides financières perçues par le CFA ou l'apprenti, lors de la construction de son projet de mobilité.

Pour les familles des apprentis, un point capital est la protection sociale. Actuellement, quand celle attachée au contrat d'apprentissage français est suspendue lors de la mobilité, il revient à l'apprenti lui-même d'en trouver une autre. Si certains opérateurs de compétences peuvent compenser une partie de ces frais, les pratiques sont inégales et ne permettent pas de gommer les inégalités. En effet, s'assurer socialement à l'étranger peut être particulièrement onéreux. Cette proposition de loi offrira une solution efficace, en garantissant à tous les jeunes en mobilité un socle de financement de leur protection sociale. Cette mesure forte, porteuse d'égalité, en rassurant parents et apprentis, permettra de favoriser les départs, en toute sérénité.

Vous l'aurez compris, il s'agit ce matin de voter pour le développement des mobilités des apprentis, avec cette proposition de loi pragmatique et efficace, qui lèvera les derniers freins empêchant certains de nos jeunes d'accéder à l'expérience unique d'une formation à l'étranger. Je salue à nouveau le travail transpartisan et d'intérêt général mené par le groupe Renaissance, qui a su rassembler au-delà des divergences politiques, grâce à la qualité des échanges menés en son sein et à son souci d'égalité, illustrés notamment durant les discussions concernant la mobilité des apprentis en outre-mer.

Ce texte élaboré par le groupe Renaissance entre pleinement dans l'objectif gouvernemental de démocratiser et de valoriser la formation en apprentissage. Il s'inscrit en outre dans l'ambition du Gouvernement de développer les apprentissages transfrontaliers, qui permettent à un apprenti d'effectuer l'intégralité de la partie pratique ou théorique de sa formation dans un pays frontalier de la France ou, pour les outre-mer, dans un pays géographiquement proche.

Je le répète avec force et conviction : en permettant à davantage d'apprentis d'étudier dans un pays de l'Union européenne ou dans le monde, nous leur offrons toutes les clés de la réussite sur le marché du travail français ; nous diffusons également notre savoir-faire, l'excellence de nos formations et un peu de notre culture. La France rayonnera plus fort grâce à ses apprentis.

Chers députés, vous l'avez compris, vous avez ici l'occasion de vous exprimer en faveur du développement des compétences des jeunes, en les ouvrant à de nouvelles manières de faire, de penser et d'apprendre. Outre les questions d'insertion sociale et professionnelle ou d'accomplissement personnel des jeunes concernés, l'enjeu est de renforcer le sentiment d'appartenance à l'Europe et la construction de la nouvelle génération Erasmus. Le texte permettra enfin d'apporter une nouvelle pierre à notre politique de plein emploi et de bon emploi. Je compte donc sur vous toutes et tous, pour voter largement ce texte.

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