Intervention de Anna Pic

Séance en hémicycle du jeudi 11 mai 2023 à 9h00
Mobilité internationale des alternants pour un "erasmus de l'apprentissage" — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnna Pic :

À ces apôtres du repli sur soi, nous opposons les mots de Léon Blum en 1948 : « Il y aurait une incroyable régression à considérer aujourd'hui un peuple quelconque comme une sorte d'unité close, dont la vie échappe à la connaissance et au jugement des autres peuples. Cette autarcie politique et intellectuelle serait aussi absurde et elle me paraît encore plus scandaleuse que l'autarcie économique. » Voir l'Europe, c'est sortir de l'autarcie intellectuelle et politique.

Au vu des chiffres cités lors de l'examen en commission, la question se pose néanmoins de l'accessibilité de cet outil d'émancipation pour toutes et tous, dans la durée. Depuis six ans, chaque année, 155 alternants en moyenne partent plus d'un mois en Erasmus, soit 933 en tout. Votre rapport le montre, monsieur le rapporteur : sur les 100 000 mobilités financées par l'agence française, on compte un peu plus de 7 000 alternants. L'inégalité est donc criante, ou les inégalités : outre celle qui concerne les alternants, il est évident que les coûts financiers d'un séjour de plusieurs mois à l'étranger sont plus difficiles à assumer pour les bénéficiaires issus des classes populaires.

Pourtant, nous connaissons tous les avantages du programme. Bien sûr des bourses et des financements existent, mais le titre de cette proposition de loi, « visant à faciliter la mobilité internationale des alternants », ne serait-il pas plus ambitieux que son contenu ? Le groupe Socialistes et apparentés soutiendra les mesures proposées, mais nous regrettons que la question des moyens ne soit pas abordée, non plus que celle de l'expansion d'un projet dont trop peu d'alternants bénéficient, sans que les contraintes administratives soient seules en cause. Je profite donc de la présence au banc de la ministre déléguée pour suggérer que le Gouvernement s'engage envers les jeunes et moins jeunes qui ne sont pas issus de l'enseignement supérieur et qui souhaiteraient participer à l'aventure, mais qui rencontrent des difficultés économiques ou tout simplement qui pensent que le programme Erasmus est réservé à l'université. Il faut les accompagner économiquement et mieux communiquer. Madame la ministre déléguée, il faudrait donc plus d'ambition que vous n'en montrez avec ce simple texte, et plus de moyens. Pourquoi pas un Erasmus universel pour tous les Européens ?

Enfin, parce que cette proposition de loi nous offre l'occasion d'évoquer la situation des alternants et des apprentis, je dénonce avec force la réforme du lycée professionnel, engagée par Emmanuel Macron. Parce qu'elle nourrit la confusion entre apprentissage et enseignement, qu'elle allonge et rémunère les périodes en entreprise de lycéens, cette réforme est révélatrice de la vision du Président et de ses ministres successifs : loin de favoriser l'émancipation des lycéens, ils souhaitent les asservir aux logiques de marché, et ce aux frais de l'État et au détriment de leur orientation. Avec la réforme, les élèves de terminale devront choisir entre un stage prolongé en entreprise, en vue d'une insertion professionnelle immédiate après le bac, et un module de quatre semaines pour préparer une entrée en classe de préparation au BTS. Cette mesure institutionnalise le tri social comme une fatalité.

En supprimant quatre-vingts filières, vous fermez des portes menant à des métiers, des compétences. Que dire également de vos précédentes réformes du lycée professionnel qui ont diminué le nombre d'heures d'atelier et donc la qualité de la formation professionnelle, ainsi que celui des heures consacrées aux humanités, aux langues et aux sciences humaines, dont les connaissances sont pourtant le socle indispensable à la formation de tout citoyen européen ?

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