Intervention de Sébastien Lecornu

Séance en hémicycle du vendredi 26 mai 2023 à 15h00
Programmation militaire 2024-2030 — Article 2 et rapport annexé

Sébastien Lecornu, ministre des armées :

Je remercie M. Jean-Louis Thiériot d'avoir déposé ces amendements. Ils viennent enrichir le débat qui repose sur trois pieds les contrats opérationnels – pour lesquels j'ai suffisamment dit qu'il n'y avait pas d'amendements –, le tableau capacitaire et l'entraînement. Incidemment, je regrette que le mot « activité » soit parfois employé abusivement dans les armées comme synonyme d'« entraînement ». Le mot « activité » recouvre en effet les Opex, la guerre et l'entraînement proprement dit et devrait donc, petit à petit, sortir de notre langage.

Si nos forces ne sont pas en Opex, elles doivent s'entraîner. C'est une réalité. L'entraînement peut être réalisé par de grands exercices – vous avez d'ailleurs assisté à Orion avec certains de vos collègues, dont Mme Nathalie Serre et d'autres députés présents –, mais les entraînements ne sont heureusement pas tous réalisés au niveau divisionnaire. Il existe des entraînements plus classiques, par exemple autour d'un équipement – un bateau pour un marin ou l'équipement de combat confié à un terrien dans son unité.

Pour être honnête, j'ai analysé attentivement les anciennes lois de programmation militaire avec le Cema – chef d'état-major des armées – et j'ai constaté que l'entraînement y a toujours été un énorme angle mort, même lorsque les moyens augmentaient. Dans la période post-guerre d'Algérie, qui s'étend des années 1960 aux années 1970, les moyens étaient essentiellement absorbés par le capacitaire et par la dissuasion au détriment du volet entraînement. Peu de missions expéditionnaires ont été décidées par le général de Gaulle et Georges Pompidou. Dans les années 1990, au moment où l'armée se professionnalise et devient une armée de métier et où les crédits commencent à diminuer, la notion d'entraînement prend une place beaucoup plus importante pour des raisons liées au métier des armes et à l'apparition du numérique.

Je poursuis mon raisonnement. Qu'est-ce qui, aujourd'hui, fait la différence pour le succès d'une opération comme l'opération Sagittaire, d'évacuation de Khartoum de ressortissants nationaux et de pays alliés ? C'est précisément que l'ensemble des forces impliquées – aviateurs, forces spéciales entre autres, je ne rentre pas dans les détails – sont très entraînées.

Nous allons donc consacrer beaucoup plus d'argent à l'entraînement dans la période à venir, et je souhaite partager ici certains chiffres que je n'avais jusqu'alors jamais communiqués. Il faut dire que vos amendements n'ont pas été présentés en commission, mais vous avez bien fait de les déposer en séance, car nous n'avons pas encore eu de débat très poussé sur l'entraînement. Sur les 413 milliards d'euros, 69 milliards sont consacrés sur la période de la LPM à ce qui peut s'apparenter à l'entraînement, soit une augmentation de 40 % par rapport à la période précédente.

Parmi ces crédits, on retrouve ceux affectés au MCO. Certains – comme le député Giletti lorsqu'il a pris la parole avec sa casquette de rapporteur du budget de l'armée de l'air et de l'espace – se sont demandé pourquoi le MCO coûtait cher alors qu'il n'y a pas d'Opex. La réponse est la suivante : l'entraînement consomme, entre autres, des pièces détachées, et donc du MCO.

L'entraînement consomme également, bien sûr, des munitions. Nous avons eu l'occasion d'en discuter lors de l'examen des nombreux amendements sur les munitions réelles et les munitions d'entraînement. Ces munitions ont un coût, mais le coût d'une balle de 9 millimètres n'est pas comparable à celui d'un missile Aster utilisé par la marine. Il faut en tenir compte et il est important de le souligner.

N'oublions pas le coût du carburant opérationnel représenté par un exercice comme celui d'Orion, mais nous pourrons y revenir lorsque nous en viendrons aux chiffres. Tous ces éléments constituent l'agrégat des 69 milliards de crédits.

J'en viens à vos demandes. Historiquement, le traitement de nombreux sujets relevait de l'armée et impliquait des services tels que la Simmt – structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres – pour l'armée de terre ou la DMAé – direction de la maintenance aéronautique. J'ai saisi la DGA et, avec le Cema, nous avons travaillé afin d'avoir une vision plus panoramique. Je peux essayer – non pour satisfaire vos amendements, mais pour faire avancer le débat dans le cadre de la navette – d'assembler un tableau fixant au moins des objectifs.

Un tel tableau manque à ce moment précis de notre discussion. Vous pouvez me croire sur parole, mais vous pouvez aussi vous demander comment être sûrs que, d'ici à 2027 ou 2030, l'entraînement des forces aura prospéré. Bien sûr, le Cemat – chef d'état-major de l'armée de terre –, le Cemm – chef d'état-major de la marine – et Cemaae – chef d'état-major de l'armée de l'air et de l'espace – pourront vous tenir informés, mais la question est de savoir comment quantifier les efforts d'entraînement.

Je voudrais partager certains chiffres intéressants, qui sont peut-être encore inédits. Dès 2024, ce qui signifie que nous n'y sommes pas encore, nous atteindrons enfin la norme de jours en mer – soit110 jours – pour les navires hauturiers.

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