Intervention de Stéphane Mallard

Réunion du mercredi 17 mai 2023 à 14h00
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Stéphane Mallard, entrepreneur et conférencier :

L'avantage concurrentiel et le business économique d'Uber ne reposent ni sur sa technologie, en effet très banale, ni sur la collaboration de faux travailleurs indépendants opérant dans un système de prix fixés par l'entreprise, mais sur l'usage, sur la qualité du design et de l'expérience utilisateur. Les responsables d'Uber se sont calqués sur le modèle d'Amazon, qui offre une expérience exceptionnelle et fluide, dans laquelle le client est placé au centre – l'idée d'Uber est née un jour où ses fondateurs se trouvaient coincés à Paris et rêvaient qu'un taxi vienne les chercher là où ils étaient.

Uber a développé une stratégie de croissance ville par ville très agressive, qui l'oblige à diminuer les coûts le plus possible, à faire des économies d'échelle et de volume, et surtout à réaliser des marges les plus élevées possible pour pouvoir exister. Il ne me semble pas qu'Uber soit rentable aujourd'hui – c'est à vérifier. Au début de son activité, l'entreprise subventionnait les courses car son système n'était pas rentable. Qu'elle fixe elle-même le prix des courses n'est pas suffisant pour assurer sa rentabilité, parce que la loi du marché régule l'équilibre général. Vous aurez constaté que, depuis le covid, il est presque impossible de prendre un Uber : la faible rentabilité des courses a fait fuir tous les chauffeurs soit hors de Paris, soit vers d'autres plateformes au système de rémunération différent. Je discute beaucoup avec des chauffeurs, qui me disent que le modèle d'Uber ne fait plus rêver. En outre, l'entreprise a commencé à intégrer les chauffeurs de taxi traditionnels dans son application, lesquels ont leur propre modèle de rémunération, plus avantageux.

Bref, la différence d'Uber reste la qualité de l'expérience et la transformation du service qui est devenu une « commodité ». Il faut comprendre que les nouvelles technologies sont en train de transformer tout ce qui nous entoure en commodité, c'est-à-dire en quelque chose de facile et de pas cher. Une course Uber n'est pas très onéreuse, alors qu'avant, seuls les gens très riches avaient un chauffeur à leur disposition ! Aujourd'hui, on peut avoir du cloud et de l'intelligence artificielle d'une puissance démesurée dans sa poche pour trois fois rien ; on peut créer un site internet comme un professionnel pour quelques euros – et cela sera encore plus facile avec l'intelligence artificielle. Les nouvelles technologies et les algorithmes transforment tout en commodité pour créer de la valeur pour tout le monde. Au passage, cela redonne du pouvoir aux gens – ce qui vous intéresse en tant que responsables politiques. On parle d' empowerment dans le monde anglophone : avec toutes ces technologies dans sa poche, l'individu récupère du pouvoir sur lui-même et optimise, s'il le souhaite, tous les aspects de sa vie. En réalité, c'est cela l'ubérisation, plus que le modèle des plateformes et des travailleurs précaires.

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