Intervention de Hugo-Maria Schally

Réunion du jeudi 11 mai 2023 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Hugo-Maria Schally, conseiller pour les négociations internationales à la direction générale de l'environnement de la Commission européenne :

. – Beaucoup de défis ont été relevés dans l'objectif d'une réglementation au niveau global qui pourrait être le résultat des négociations qui se poursuivront à Paris. La problématique des déchets marins et de la pollution par les plastiques figure de longue date à l'ordre du jour de l'Assemblée des Nations Unies pour l'environnement. De multiples efforts internationaux et nationaux ont été fournis pour lutter contre la pollution par le plastique, notamment au sein de l'Union européenne avec l'adoption de la stratégie européenne sur la matière plastique. Des efforts ont également été fournis au sujet du plastique à usage unique, des emballages, des déchets, de l'écoconception des textiles et des microplastiques. L'action de l'Union européenne repose sur une base solide. Elle est accompagnée par un renforcement de la coopération internationale au moyen de partenariats, de projets bilatéraux et d'instruments régionaux.

Comment en sommes-nous arrivés à cette négociation ? Depuis 2014, au sein de l'UNEA (United Nations Environment Assembly), un accord politique stipulait que le maintien du statu quo n'était pas envisageable et que même avec les politiques et initiatives existantes, les matières plastiques entrant dans nos océans auraient triplé d'ici 2040. Une dynamique croissante en faveur d'une action mondiale a ainsi été engagée.

Une première ébauche de résolution a été proposée lors de l'UNEA en 2019 ; ce projet a échoué parce que d'importants partenaires tels que la Chine ou les États-Unis n'étaient pas prêts pour une telle décision. Jusqu'à l'UNEA-5, une dynamique croissante en faveur d'une action mondiale a été constatée. Plus de 140 pays en amont de l'UNEA-5 en 2022 avaient appelé à lancer des négociations pour un accord mondial sur les matières plastiques. Les États membres de l'Union européenne étaient largement unis sur la question.

L'Union européenne et ses États membres se sont engagés activement et ont joué un rôle de premier plan pour réunir des pays partageant les mêmes valeurs afin de préparer l'UNEA-5. La Commission européenne a coordonné et facilité l'élaboration d'une résolution phare qui était présentée par le Pérou et le Rwanda. Il est très important que cette résolution ait été présentée par deux pays du Sud, l'un d'Amérique latine et l'autre d'Afrique.

Parmi les axes présents dans cette résolution figuraient : l'action sur la pollution par les plastiques dans tous les environnements, sans se limiter aux milieux marins ; l'adoption d'une perspective de cycle de vie ; l'approche des problèmes à leur source et pas seulement en aval, ni focalisée uniquement sur la gestion des déchets ; des discussions sur le financement et les ressources financières nécessaires pour la mise en œuvre d'un tel accord.

Les négociations ont été difficiles. La coalition des pays de haute ambition a joué un rôle déterminant dans l'adoption de la résolution 114 qui a permis d'établir un comité intergouvernemental de négociations. Celui-ci a commencé ses travaux à Punta del Este en Uruguay en novembre dernier. Nous avons eu un premier échange sur les positions et les ambitions des différents partenaires.

Trois grands groupes de pays structurent ces négociations :

- un groupe de pays à haute ambition : les pays européens, les pays africains, une grande partie des pays de l'Amérique latine. Ils appellent à un accord juridiquement contraignant avec des objectifs et des obligations juridiquement contraignantes pour toutes les parties. Ils veulent adopter une approche de cycle de vie, avec des obligations et des objectifs concernant la conception, la production, l'utilisation, la distribution et la gestion des déchets, ainsi que l'utilisation des produits des matières recyclées ;

- les pays qui souhaitent plutôt se focaliser sur la gestion des déchets, couplée à des objectifs et des engagements, comme celui de la Legacy Plastic, c'est-à-dire en se concentrant sur la pollution existante et son élimination ;

- le groupe des pays dépendants des produits fossiles et qui ont grandement augmenté leur capacité de production ces dernières années, tels que les pays du Golfe, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Ils joueront un rôle déterminant. Ils ont fait entendre qu'ils n'étaient pas à l'aise avec l'idée d'un accord qui aurait pour but de limiter la production et la consommation de plastique en tant que tel.

Un autre problème est à relever dans ce contexte. Les États-Unis sont en principe en faveur d'un accord juridiquement contraignant. Mais le Sénat américain qui, conformément à la Constitution devra approuver l'accord international, souhaiterait plutôt un accord de type Accord de Paris, c'est-à-dire sans engagement juridiquement contraignant pour les parties et où l'ensemble des actions et des engagements seraient volontaires, mais compris dans un plan d'action national.

Un grand débat a lieu sur la mise en œuvre du futur traité et la nécessité de générer des ressources financières, en particulier pour les pays en voie de développement. Les débats abordent notamment le sujet des parties responsables. Lorsqu'on regarde le volume de production au niveau global, une majeure partie se trouve dans des pays du Sud. Selon l'application du principe de pollueur-payeur, les pays producteurs de plastiques ou de produits plastiques devraient prendre leur part dans le financement de la mise en œuvre du futur traité.

Ces sujets seront soumis à une première discussion lors de la réunion de Paris. Un document a été élaboré sur la base des discussions de la première réunion en novembre dernier. Il présente l'ensemble des options pour les éléments du futur traité. Les États membres des Nations Unies seront appelés à se prononcer sur les différentes options soumises à discussion.

L'étape suivant la réunion de Paris consistera à préparer une première ébauche du traité. Elle sera discutée lors de la troisième réunion du comité qui aura lieu en novembre à Nairobi, au Kenya. Nous avons pour objectif de conclure les négociations fin 2024. Deux réunions du comité de négociation auront lieu en 2024 avec comme objectif une conférence diplomatique en Équateur au printemps 2025 où nous espérons disposer d'un traité ambitieux et traitant de tous ces sujets pour le soumettre à l'approbation de toutes les parties et tous les États membres des Nations Unies.

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