Intervention de Marc Le Fur

Séance en hémicycle du jeudi 22 juin 2023 à 9h00
Accompagnement des élus locaux dans la lutte contre l'artificialisation des sols — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Le Fur :

Comme trop souvent, une intention vertueuse, en l'occurrence la protection de la terre agricole, a donné naissance à un monstre technocratique. Avec ce texte, nous adopterons les normes les plus exigeantes d'Europe, alors que nous disposons d'espace. La densité de notre population est l'une des plus basses parmi les grands pays européens, avec 117 habitants par kilomètre carré – contre, je le rappelle, 239 pour l'Allemagne, soit le double ; 277 pour la Grande-Bretagne, soit plus du double ; 200 pour l'Italie, sans parler des Pays-Bas, dont la densité est de 519 habitants par kilomètre carré. L'espace disponible constitue l'un des avantages comparatifs de la France en Europe.

Le degré d'exigence imposé par le ZAN aurait pu être pertinent s'il n'avait concerné que les métropoles et leur périphérie, c'est-à-dire là où l'excès de consommation d'espace est constaté. Hélas, au nom d'un principe jacobin absurde, la même règle s'appliquera à l'Île-de-France et à la Lozère, la Haute-Loire et la Manche, entre autres départements qui n'ont pas été atteints par le phénomène métropolitain.

Interdire au monde rural d'utiliser l'espace dont il dispose revient à lui interdire tout développement, à lui faire perdre son attractivité. En effet, cet espace plus grand, plus libre constitue son avantage relatif – qui contrebalance les distances plus longues à parcourir qu'en ville pour accéder aux commerces, aux services et parfois à son lieu de travail, ainsi que l'obligation de recourir à un système de transport plus coûteux. Cet avantage relatif disparaîtra, car le ZAN est ruralicide. Il ne faudra pas pleurer demain sur la fermeture des écoles, faute d'enfants, puisque nous aurons interdit à leurs parents de bâtir et de s'installer dans certaines communes. Il faudra assumer les conséquences.

Tous les effets pervers que nous avions annoncés lors du débat législatif sur la loi « climat et résilience » se manifestent désormais. Prenons l'exemple de la réindustrialisation, qui fait l'objet d'injonctions contradictoires. Le Président de la République indique qu'elle est nécessaire. J'adhère à ce constat et j'imagine ne pas être le seul, car il faut reconquérir notre souveraineté industrielle – seulement 10 % du PIB français est lié à l'industrie, contre 20 % en Allemagne et 15 % en Italie. Or, qu'elle soit verte ou non, l'industrie a besoin de foncier.

Je viens de l'un de ces rares territoires français qui ont su préserver l'emploi industriel ; les effectifs du secteur secondaire, la population ouvrière, se sont même accrus. L'un des arguments ayant permis la création de ces emplois industriels est l'existence de zones d'activité spacieuses, capables d'accueillir de vastes sites industriels. On n'installe pas une usine comme on installe les bureaux d'une société d'assurance : il faut de l'espace, une certaine distance avec le voisinage immédiat, mais ces éléments de bon sens ont, semble-t-il, échappé à certains.

Les effets du rationnement foncier commencent à se faire sentir. Un cas a récemment défrayé la chronique, celui du projet d'implantation d'une usine Bridor à Liffré, en Ille-et-Vilaine. Alors qu'il aurait permis la création de 500 emplois et devait couvrir 21 hectares, ce projet dû à Louis Le Duff – véritable capitaine d'industrie auquel je souhaite rendre hommage – est à l'abandon à cause de la multiplicité des contraintes administratives et spatiales. Je ne suis pas sûr que l'on puisse encore trouver l'espace qui lui est nécessaire, en Bretagne ou dans les autres régions, à cause des réglementations que vous nous imposez.

Au-delà de l'industrie, le décompte prévu des bâtiments agricoles en tant que surfaces artificialisées dans le cadre de l'objectif de ZAN posera également bien des problèmes aux agriculteurs. Alors que la modernisation des bâtiments d'élevage est indispensable à la compétitivité des éleveurs, elle sera impossible.

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