Intervention de Stéphane Delautrette

Séance en hémicycle du jeudi 22 juin 2023 à 9h00
Accompagnement des élus locaux dans la lutte contre l'artificialisation des sols — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Delautrette :

Urgente, la transition écologique repose sur plusieurs piliers, avec des effets croisés : transition énergétique par la décarbonation et la sobriété ; transition agroécologique ; préservation de la biodiversité et de la ressource en eau.

Nous artificialisons l'équivalent de quatre terrains de football par heure, soit en vingt ans la surface totale de mon département, la Haute-Vienne. Ce rythme est trois fois et demie plus dynamique que celui de la démographie. Or l'artificialisation des sols porte considérablement atteinte à la biodiversité, contribue au réchauffement climatique en réduisant la capacité de stockage de carbone du sol et perturbe le bon écoulement des eaux, ce qui augmente les risques naturels.

Convaincu que ce rythme n'était plus tenable, le groupe Socialistes et apparentés a soutenu et voté, dans la loi « climat et résilience » de 2021, l'objectif national de parvenir à une artificialisation nette nulle d'ici à 2050, avec une première réduction de moitié avant 2031.

Nous sommes aujourd'hui réunis pour examiner les conditions de mise en œuvre de cette première phase. Malheureusement, nous sommes collectivement à côté du sujet. En effet, la présente proposition de loi, qui visait à corriger les insuffisances du ZAN, ne répond pas au besoin de mesures de programmation en matière de maîtrise foncière et d'usage des sols, alors que nous prévoyons leur raréfaction.

En nous donnant l'objectif de diviser par deux la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers au cours de la décennie à venir, nous engageons une course au foncier qui appelle une double régulation. La première concerne l'usage : il faut veiller à éviter la concurrence avec les autres objectifs de politique publique, comme la construction de logements et la réindustrialisation. La seconde régulation est économique : nous devons nous donner les outils pour maîtriser la valeur du foncier, afin de limiter la spéculation et la rétention foncières, qui ne feraient que rendre plus complexe l'équilibre économique de certains projets, au détriment de l'intérêt général. Cela vaut également pour les surfaces déjà artificialisées, qu'il faudra densifier, recycler, réhabiliter et parfois renaturer pour atteindre les objectifs.

Une grande loi de programmation foncière est donc urgente, monsieur le ministre ; mainte fois annoncée, elle est désormais indispensable. La prochaine loi de finances devra par ailleurs prévoir des crédits et des mesures fiscales volontaristes pour accompagner les collectivités, en particulier les plus petites, dans la réhabilitation d'immeubles, la transformation de friches et la préservation des Enaf constructibles. Sans ces outils, nos objectifs resteront des vœux pieux.

J'en viens au fond du texte. Faute d'avoir les moyens de réhabiliter ou de transformer leurs espaces déjà urbanisés, parfois de réaliser des documents d'urbanisme, les petites communes rurales lancent un appel à l'aide pour conserver une perspective de développement. C'est ainsi qu'il faut comprendre la demande de garantie rurale. Dans l'attente d'autres outils pour qu'elles puissent se développer à l'intérieur des zones urbanisées, nous proposerons de continuer à donner de la flexibilité et de l'agilité à cette garantie rurale, de favoriser la mutualisation intercommunale et de ne pas pénaliser les communes relevant du RNU – règlement national d'urbanisme –, sans pour autant remettre en cause le principe de constructibilité limitée. Autrement dit, une garantie rurale souple et intelligente est possible.

Nous proposerons également de préciser le périmètre des projets d'intérêt national ou européen : c'est nécessaire pour respecter l'enveloppe du forfait national, donc pour préserver celle disponible pour les projets régionaux et locaux. Il faudra veiller à bien préciser comment elles s'articuleront, afin que leur addition ne nuise pas à l'objectif de réduire de moitié le rythme d'artificialisation.

Enfin, nous devrons préciser les mesures applicables dans la bande littorale, autant pour éviter les abus que pour mieux prendre en considération les spécificités des territoires ultramarins.

L'examen en commission a fait favorablement évoluer le texte concernant les délais, la définition des projets et leur comptabilisation. Nous pouvons encore l'améliorer et donner des raisons aux sénateurs de se rallier à notre rédaction. Saisissez notre main tendue.

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