Intervention de Christine Arrighi

Séance en hémicycle du mercredi 3 août 2022 à 15h00
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2021 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Arrighi :

Je l'ai affirmé la semaine dernière et je le redis : nous n'approuvons pas ce projet de loi ; nous n'approuvons ni la façon dont les deniers publics ont été utilisés en 2021, ni les choix politiques de la majorité précédente.

En premier lieu, et comme d'autres avant nous, nous souhaitons exprimer notre mécontentement quant au dépôt tardif du texte. Si le délai de dépôt est traditionnellement allongé les années d'élection, il a été particulièrement étendu cette année – comme il l'a été pour le projet de programme de stabilité 2022-2027. Ce retard a interdit et obéré le débat démocratique pendant la campagne. J'émettrai une hypothèse audacieuse : était-ce fait exprès ? Les explications du ministre délégué chargé des comptes publics, selon lesquelles le dépôt tardif du projet de programme de stabilité visait à coller au plus près à la réalité économique, ne tiennent pas : nous devons en effet rendre des comptes à l'Europe en temps et en heure, sur les mêmes bases et dans la même temporalité que nos partenaires européens.

Les arguments du ministre délégué sont encore moins convaincants concernant le projet de loi de règlement du budget de 2021, dans la mesure où il s'agit de constater l'exécution de la loi au cours de l'année dernière – ce sur quoi la situation de 2022 n'a aucune influence. Si nous avions reçu les documents en juin, sans devoir faire des recherches à l'extérieur, nous aurions pu travailler dans l'esprit de la LOLF et nous aurions eu le temps de mener des analyses. Or nous avons disposé d'une seule et unique journée pour constater que les crédits reportés en fin d'année avaient battu tous les records. À situation exceptionnelle, crédits reportés exceptionnels ! Ces importants reports dérogent au principe de l'annualité budgétaire. Il n'aura échappé à personne que le Gouvernement a accumulé des réserves en période de relâche de la discipline européenne, afin de se réserver des marges de manœuvre lors des exercices suivants. Ce faisant, il contourne les règles budgétaires européennes qu'il défend pourtant et qu'il nous oppose sans relâche, au nom de l'orthodoxie. La boucle est bouclée, et l'hypothèse audacieuse que j'ai émise il y a quelques instants trouve certainement sa réponse.

À situation exceptionnelle, par ailleurs, comportement habituel : le projet de loi « pouvoir d'achat » et le projet de loi de finances rectificative pour 2022 ont démontré que le Gouvernement s'entêtait dans la même attitude que l'année précédente : refus d'augmenter les salaires – y compris le SMIC – et de taxer les superprofits des grandes entreprises, prémisses d'une attaque en règle des 35 heures, refus systématique de tous les amendements présentés par chacune des composantes de la NUPES, au nom d'une orthodoxie budgétaire dont le Gouvernement s'est pourtant éloigné…

Le Gouvernement refuse en outre d'imposer une quelconque conditionnalité sociale ou environnementale aux aides versées aux entreprises, tout en annonçant un énième plan pour le climat. Or la loi « climat et résilience » d'août 2021 attend plus de 130 décrets d'application pour entrer réellement en vigueur ! Pour paraphraser un illustre prédécesseur, trop de plan tue le plan. Le suivi des moyens affectés à l'action écologique n'est pas rigoureux, et les moyens significatifs initialement affectés à la transition sont reportés. En la matière, les carences du projet de loi de règlement révèlent combien l'action du Gouvernement a été inexistante ou grandement insuffisante. Le chemin n'était déjà pas à la hauteur des enjeux, il n'a pas même été parcouru. Pardonnez-moi si je me répète, mais je me dois de marquer l'abîme qui sépare notre ambition de celle du Gouvernement.

En 2022, à l'heure où la biodiversité s'effondre, à l'heure où explosent les inégalités de revenus et, plus encore, de patrimoine, à l'heure où se creusent de véritables ruptures éducatives et de santé, il ne suffit plus d'applaudir les professionnels de santé, les enseignants, les policiers et les pompiers. Ces applaudissements deviennent indécents : les Français n'identifient toujours pas l'impact qu'ont eu les 528 milliards d'euros de dépenses publiques en 2021 sur l'espérance de vie en bonne santé, le décrochage scolaire, l'empreinte carbone de la France ou encore les inégalités de revenus.

Le projet de loi de règlement du budget de 2021 n'est donc pas un outil de pilotage ni d'aide à la décision pour le Gouvernement. Il constitue tout au plus une nomenclature formelle, dépourvue de toute dynamique vertueuse susceptible de diminuer les mesures fiscales défavorables à l'environnement. Il illustre l'écologie punitive que vous soutenez et que vous approuvez. Il est temps de changer de logique. Il est temps, surtout, de considérer l'écologie sociale et environnementale comme le paradigme absolu de toute action gouvernementale, au vu des enjeux et des réalités climatiques qui nous rattrapent et qui ne tarderont pas à nous déborder. Nous, écologistes, serons toujours force de proposition pour que la France se hisse à la hauteur de ces enjeux, au bénéfice des plus précaires qui subissent une double peine : la fin du mois et la fin du monde. Il n'existe pas de planète de secours.

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