Intervention de Olivier Becht

Séance en hémicycle du jeudi 4 août 2022 à 11h00
Partenariat france-qatar relatif à la sécurité de la coupe du monde de football de 2022 — Présentation

Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger :

Le présent accord s'inscrit dans la volonté d'offrir un cadre juridique protecteur aux experts français qui pourront être mobilisés pour cette compétition. Négocié par le ministère de l'intérieur français et le comité de sécurité qatarien chargé de l'organisation de cet évènement sportif, l'accord, signé le 5 mars 2021 à Doha, vise à rendre possible le déploiement d'une assistance technique et opérationnelle. Il constitue le premier instrument juridiquement contraignant signé entre la France et le Qatar dans le domaine de la sécurité intérieure – progrès dont je me félicite – et constitue ainsi le socle institutionnel et juridique de notre coopération.

Les coopérations liées à de précédents grands événements sportifs n'avaient en effet jamais donné lieu à une formalisation juridique spécifique, dans la mesure où elles revêtaient un caractère essentiellement technique et restaient d'une ampleur plus modeste. Le présent accord pourra donc servir de référence pour l'avenir et contribuer à encourager la partie qatarienne à inscrire le développement de la coopération bilatérale dans un cadre juridique de long terme.

L'objectif de cet accord est double. Tout d'abord, il s'agit d'accompagner le Qatar pour l'aider à organiser et à gérer dans les meilleures conditions la sécurité de la Coupe du monde. La France est ainsi en mesure de proposer une offre de coopération articulée autour de dix grandes fonctions : planification, contre-terrorisme, gestion de l'ordre public, renseignement et anticipation, sécurité des installations, sécurité des mobilités, moyens spéciaux terrestres, moyens aériens, cybersécurité et sécurité civile.

Ensuite, il nous est apparu essentiel de sécuriser juridiquement le déploiement d'experts appelés à apporter une assistance technique et opérationnelle aux autorités qatariennes pour cet événement majeur. En effet, en l'absence d'accord, le personnel français déployé sur le territoire qatarien aurait été soumis au droit local, donc exposé à des risques importants. Le présent accord – j'insiste sur ce point – crée les garanties équivalentes à celles qu'un accord de statut des forces procure pour une coopération de défense.

Rédigé sur la base de la réciprocité et s'inspirant des clauses classiques figurant dans les accords de statut des forces signés par la France, l'accord aujourd'hui soumis à votre examen détermine le statut juridique et les conditions du séjour des personnels français déployés au Qatar et des personnels qatariens déployés en France dans le cadre d'activités de coopération en matière de sécurité. Les membres du personnel déployés sont tenus au respect de la législation de la partie d'accueil. Ils sont autorisés à pénétrer sur son territoire avec le consentement préalable de celle-ci.

En matière de dépenses, l'essentiel de la charge liée aux actions de coopération incombe à la partie qui en bénéficie. Ainsi, la partie d'accueil paye les frais occasionnés par les activités de la partie d'envoi dans l'État d'accueil. En outre, la partie d'envoi peut importer et réexporter, en franchise de droits de douane et de taxes, les matériels, équipements, véhicules et engins qui lui appartiennent et sont engagés sur le territoire de la partie d'accueil dans le cadre de la mise en œuvre de l'accord.

En matière pénale, l'accord prévoit un partage de juridiction. Les infractions commises par un membre du personnel de la partie d'envoi relèvent en principe de la compétence des juridictions de la partie d'accueil. Cette compétence est toutefois dévolue prioritairement aux autorités compétentes de la partie d'envoi lorsque l'infraction a été accomplie dans le cadre du service ou lorsqu'il a été porté atteinte aux biens ou à la sécurité de la seule partie d'envoi ou du personnel de celle-ci.

En cas de poursuites devant les juridictions de la partie d'accueil, la personne concernée bénéficie des garanties du droit à un procès équitable, en particulier du droit à être jugée dans un délai raisonnable, à être représentée ou assistée, à bénéficier d'un interprète, à communiquer avec un représentant de son ambassade, à être informée des accusations portées à son encontre, à être confrontée aux témoins à charge et à ne pas se voir appliquer de rétroactivité de la loi pénale. Si les poursuites intentées aboutissent à une condamnation dans l'État d'accueil, l'accord prévoit que ce dernier examinera avec bienveillance les demandes tendant à permettre à la personne condamnée de purger sa peine dans l'État d'envoi.

Si, dans un État, une infraction est punie de la peine de mort ou d'une peine contraire aux engagements résultant des conventions internationales auxquelles adhère l'autre État, ce dernier ne remettra au premier État une personne faisant l'objet de poursuites que contre l'assurance que ces peines ne seront ni requises ni prononcées ou, si elles sont prononcées, qu'elles ne seront pas exécutées. La peine de mort étant toujours en vigueur au Qatar, la France a inséré dans l'accord cette clause de juridiction, conforme à nos exigences constitutionnelles et conventionnelles, résultant notamment de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il était essentiel pour la France que l'accord écartât toute possibilité d'application de la peine de mort ou d'un traitement inhumain ou dégradant, aussi bien pour un Français ayant commis une infraction au Qatar que pour un Qatarien ayant commis une infraction en France et dont le Qatar demanderait la remise.

Afin de sécuriser juridiquement le déploiement de nos nombreux experts appelés à se rendre au Qatar pour assurer la sécurité de la Coupe du monde de football, l'approbation du présent accord est indispensable. Vous l'aurez compris, l'accord vise essentiellement à protéger nos policiers…

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