Intervention de Isabelle Rauch

Séance en hémicycle du jeudi 29 juin 2023 à 9h00
Restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Rauch, présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

Nos débats de ce jour s'inscrivent dans un mouvement de réflexion plus vaste sur la composition de nos collections publiques et sur la recherche de provenance. Mme la ministre l'a rappelé, ce mouvement donnera lieu à d'autres initiatives législatives, telles que la proposition de loi relative à la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques, adoptée il y a quelques jours en première lecture par le Sénat. Le texte que nous examinons porte sur la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945. Son adoption à l'unanimité, d'abord au Sénat, puis la semaine dernière en commission des affaires culturelles, témoigne du consensus qui existe au sein de la représentation nationale sur la nécessité d'agir rapidement pour faciliter la restitution de ces biens.

Selon Albert Camus, « tout ce qui dégrade la culture raccourcit les chemins qui mènent à la servitude ». Dans la mise en œuvre d'une politique systématique de spoliation des biens culturels se retrouve cette entreprise d'asservissement, prélude à une volonté d'anéantissement pur et simple. Il est de notre devoir, à notre échelle, de tout faire pour reconnaître la blessure alors infligée et le crime alors perpétré à l'encontre des communautés juives, à l'encontre de l'humanité entière, et d'y opposer un vigilant travail de mémoire, ce qui passe notamment par les restitutions.

Malgré le travail de figures exemplaires, telles que Rose Valland, et malgré les restitutions déjà opérées de biens figurant notamment à l'inventaire « musées nationaux récupération », nos musées et bibliothèques comptent encore dans leurs collections publiques des œuvres d'art, des livres et des instruments de musique qui n'auraient jamais dû s'y trouver. Face à ce constat, la responsabilité, cette « dette imprescriptible » évoquée par le président Chirac dans son discours de commémoration de la rafle du Vél d'Hiv, nous enjoint d'agir. Et nous devons agir non pour réparer l'irréparable, mais bien pour répondre de la manière la plus juste possible, en restituant aux héritiers ou aux ayants droit la part de dignité, de culture, d'histoire qui a été dérobée à leurs familles lors des spoliations.

En ce sens, ce texte s'inscrit également dans la poursuite du travail engagé, depuis la création de la mission d'étude Mattéoli, pour l'identification des œuvres spoliées et de leurs ayants droit. Je tiens à cette occasion à saluer l'engagement des équipes de la CIVS, dont les compétences en matière de recherche et de restitution des œuvres ont été étendues en 2018, ainsi que le travail réalisé par la M2RS, créée en 2019 au sein du ministère de la culture.

Cette loi-cadre devra permettre d'aller plus loin. Un an après l'adoption de la loi d'espèce ayant conduit à la restitution d'une quinzaine d'œuvres spoliées, ce nouveau texte permettra de conduire, avec plus d'efficacité et de simplicité, le processus de restitution.

La procédure ouverte par ce projet de loi doit constituer un signal clair. D'abord, elle doit être un signal à l'égard des familles et des ayants droit, en leur assurant des voies efficaces, transparentes et simplifiées lorsqu'ils souhaitent présenter une demande de restitution. Ensuite, elle doit être un signal à l'égard des institutions culturelles. En effet, la lenteur de la procédure législative nécessaire à la restitution de biens culturels ne les incitait pas à développer les recherches de provenance. Comme l'ont rappelé les travaux de la commission des affaires culturelles, que j'ai l'honneur de présider, ce projet de loi doit déclencher des efforts accrus dans ce domaine, car le chemin est encore long sur la voie de l'identification de tous les biens ayant pu faire l'objet de spoliations entre 1933 et 1945.

Enfin, ce projet de loi est un signal à l'égard de la représentation nationale. Certes, il permettra à l'avenir de ne plus soumettre au vote du Parlement la décision de restituer une œuvre identifiée comme spoliée. Néanmoins, j'en suis profondément convaincue en tant qu'élue de la Moselle, il nous revient de préserver la mémoire des victimes de ces crimes et la connaissance de ce qui est fait, aujourd'hui encore, pour y apporter une réponse. En ce sens, je ne peux que saluer l'initiative du Sénat, précisée par la commission, visant à assurer la pleine information du Parlement sur le travail qui sera mené à l'avenir par la CIVS.

Pour conclure, je souhaite remercier une fois encore Mme la rapporteure pour son engagement dans ce domaine depuis plusieurs années, ainsi que Mme la ministre, qui a pris le sujet à bras-le-corps dès le début de la législature. Je remercie aussi tous les collègues de la commission, qui se sont investis lors de l'examen du texte et ont fait en sorte que les débats soient dignes et fructueux.

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