Intervention de Jean-Paul Lecoq

Séance en hémicycle du lundi 3 octobre 2022 à 16h00
Déclaration du gouvernement relative à la guerre en ukraine et aux conséquences pour la france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

Quelle prise avons-nous actuellement sur le conflit en Ukraine si ce n'est au travers de notre responsabilité de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies ? Cette responsabilité nous oblige, face à la résurgence de l'impérialisme russe et face à cette guerre de conquête, guerre réactionnaire par essence.

Notre responsabilité collective nous oblige à lutter contre cette fuite en avant de Poutine. Ensemble, nous devons arrêter ce torrent de violations du droit international, de crimes de guerre, voire de crimes contre l'humanité. Référendums dans les régions occupées et annexion de quatre régions ukrainiennes, menace d'une nucléarisation de la guerre, mobilisation partielle : l'escalade se confirme jour après jour et elle s'accompagne du sentiment que la diplomatie internationale est impuissante. En effet, le désordre des relations internationales met en cause notre capacité d'action ainsi que la crédibilité des États dits occidentaux et des alliés de l'Otan – organisation sortie elle aussi d'un autre âge – au sein de la communauté internationale.

Comment entraîner une vague de solidarité et de condamnations contre la Russie lorsque les États-Unis, la France et d'autres ont mis à feu et à sang le Moyen-Orient et l'Afrique pendant trente ans, en prenant tant de libertés avec le droit international ?

La Libye, la Palestine, l'Afghanistan, l'Irak, le Sahel, mais aussi le Fonds monétaire international et la Banque mondiale : les peuples n'oublient pas les attaques, les reniements, et les trahisons.

La géométrie variable des engagements des pays riches est le poison qui a détruit la confiance des peuples dans les Nations unies et dans le droit international. C'est la raison pour laquelle on ne peut s'étonner de la tiédeur du soutien international, notamment des pays les plus fragiles, aux résolutions proposées par les États-Unis et leurs alliés sur l'Ukraine.

Les pays du Sud n'acceptent plus de s'aligner systématiquement sur ceux qui les observent du haut des remparts de la Bastille. Le président français ne semble pas l'avoir compris, lui qui a préféré accuser à la tribune des Nations unies, le 20 septembre, des partenaires indispensables à la recherche de la paix, en affirmant que « ceux qui se taisent aujourd'hui servent malgré eux ou secrètement avec une certaine complicité la cause d'un nouvel impérialisme, d'un cynisme contemporain qui désagrège notre ordre international sans lequel la paix n'est possible. »

Ces discours accusateurs font que les mots ont perdu leur sens. Pour beaucoup, « démocratie », « aide humanitaire » ou « droits de l'homme » invoqués par le camp occidental ne veulent plus rien dire. Ces termes ont trop souvent été synonymes d'interventions militaires et financières.

Mais ne nous y trompons pas. Vladimir Poutine a compris cette faiblesse et tente de créer un contrepoids en construisant une hégémonie qui repose sur un nationalisme exacerbé et sur la force brute. Son ordre mondial est fondé sur des valeurs de haine de la démocratie, de mépris des peuples et de violation des libertés élémentaires comme le droit du travail, la liberté d'expression, la liberté de manifestation et celle de la presse.

Ces deux camps sont détestés par tous les États qui observent ce triste spectacle pendant que chez eux les famines se multiplient, la montée des eaux menace et les guerres nourries par l'appétit du capital font rage en silence. En effet, n'oublions pas les autres guerres actuelles, au Sahel, en Arménie, au Congo-Kinshasa, au Sahara occidental, en Éthiopie – et j'en passe ! Les autorités et les médias les ignorent, car elles ne perturbent pas la vie quotidienne des Européens, en particulier celle des Français. A-t-on déjà tenu d'autres débats dans cet hémicycle à propos de guerres sans que nous soyons directement belligérants – quoi que ?

Cette guerre nous conduit à interroger la mondialisation, la souveraineté de l'Europe et de la France à travers l'énergie, l'alimentation et l'industrie. Le choc qu'elle crée dans notre société est terrible. Il sera particulièrement violent pour les plus précaires si nous n'agissons pas, ce que nous pouvons faire grâce au levier des politiques publiques. Le groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES et la NUPES dans son ensemble proposeront des amendements visant à améliorer le projet de loi de finances en ce sens.

Toutefois, si nous n'obtenons pas la paix en Ukraine, rien ne sera possible. Pour l'obtenir, que peut faire un pays membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies comme l'est la France ? Il faut prouver la volonté de notre État de soutenir le camp de la paix coûte que coûte. Voilà l'urgence.

Pour cela, madame la Première ministre, changez radicalement de diplomatie. Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ne cessent de le dire.

Pour rallier les États membres des Nations unies contre la guerre en Russie, il faut retrouver l'humilité. Nous ne devons plus être ce pays qui vend des armes aux tortionnaires et aux belligérants pour des milliards d'euros par an ; ce pays, disposant de l'arme nucléaire, qui refuse, comme les autres, de la démanteler définitivement ; ce pays qui donne des leçons à tous alors qu'il n'est pas capable de respecter le droit international sur son sol. Pensons à l'île de Mayotte que la France a arrachée des Comores pour son propre intérêt en violation de la Charte des Nations unies.

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