Intervention de Benjamin Haddad

Séance en hémicycle du lundi 3 octobre 2022 à 16h00
Déclaration du gouvernement relative à la guerre en ukraine et aux conséquences pour la france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBenjamin Haddad :

Nous sommes réunis aujourd'hui pour débattre du soutien à l'Ukraine. Mais à travers l'Ukraine, c'est de la France que nous parlons : de son rôle dans le monde, de sa mission et de son intérêt national.

Nous soutenons l'Ukraine, parce que la France est toujours grande quand elle est avec les nations qui luttent pour leur liberté. Le jeune capitaine de Gaulle le savait quand il combattait en 1920 aux côtés des troupes de Pilsudski pour l'indépendance de la Pologne face à l'URSS ; le général de Gaulle aussi qui, comme François Mitterrand, était avec nos alliés dans les grandes crises de Cuba ou des euromissiles.

« L'Ukraine a toujours aspiré à être libre », disait Voltaire dans son Histoire de Charles XII – cette Ukraine qui a connu le génocide de l'Holodomor, les famines organisées par Staline sur son sol, cette Ukraine qui vota à 90 % pour son indépendance en 1991 et dont les jeunes sont morts pour le drapeau européen à Maïdan. Ces Ukrainiens se battent aujourd'hui pour leur liberté face à l'impérialisme.

Nous soutenons l'Ukraine, parce que nous défendons notre sécurité et nos intérêts. Nous n'avons pas choisi cette guerre. Nous avons tenté de l'empêcher par la diplomatie. Le Président de la République n'a cessé de dialoguer avec les présidents Zelensky et Poutine : il a fait entendre la voix de la France quand tant d'autres avaient abandonné. C'est le président russe qui a tourné le dos à la diplomatie, choisi la guerre, puis l'escalade en mobilisant son peuple et en violant le droit, une fois de plus, avec l'annexion illégale de territoires.

La seule façon d'arrêter cette guerre est d'aider l'Ukraine à se défendre, d'acculer la Russie pour mettre fin à l'agression, d'imposer un rapport de forces. Soyons clairs : si nous n'avions pas soutenu l'Ukraine, cette guerre aurait été plus meurtrière, plus longue et plus étendue sur l'ensemble du territoire ukrainien.

Si nous cédions aux intimidations de Poutine, au chantage nucléaire, si nous imposions un arrêt des combats au moment où les Ukrainiens contre-attaquent, la paix et la stabilité arriveraient-elles comme par magie ? Ne soyons pas naïfs : la faiblesse invite à l'agression. Imaginez un cessez-le-feu avec reconnaissance des annexions : le régime de Poutine prendrait le temps de réarmer, profiterait de la levée des sanctions pour se refaire et lancer une nouvelle attaque contre Kiev.

Poutine ne conteste pas l'élargissement de l'Otan ou le statut du Donbass, mais l'existence même de l'Ukraine. Pour s'en convaincre, il suffit de le lire et de l'écouter. L'histoire nous apprend d'ailleurs que la paix ne vient jamais avec la soumission à l'agression.

Pourtant, les voix de la défaite s'élèvent. Ce sont toujours les mêmes : une colonne de capitulards prêts à se coucher devant la force. Ce qui les dérange, c'est que les démocraties libérales résistent, tiennent. Pendant des années, ils ont répété avec Poutine et Orban qu'elles étaient faibles, exsangues et décadentes. Ils espéraient que l'Ukraine s'effondrerait et que les Européens se diviseraient. Ils sont fidèles à ceux qui les ont précédés. « Pourquoi se battre pour un petit pays si lointain dont nous savons si peu ? » se demandent-ils comme Neville Chamberlain à Munich. « Mourir pour Dantzig, non ! » s'exclament-ils comme Marcel Déat en 1938.

Si nous les avions écoutés, nous serions actuellement les alliés de la Russie. Si nous les avions écoutés, nous serions sortis du commandement militaire intégré de l'Otan et nos alliés prendraient sans nous des décisions majeures concernant cette guerre. Est-ce cela, être souverain ? Si nous les avions écoutés, nous n'aurions pas élargi l'Otan, laissant plus de nations – comme les pays baltes – en proie à l'agression.

Si nous les avions écoutés, nous n'aurions pas livré d'armes, puisque la défaite de l'Ukraine était inéluctable et que nous ne devions pas devenir cobelligérants, comme ils aimaient à le répéter. Sept mois plus tard, nous ne sommes pas cobelligérants : pas un soldat français ne combat la Russie, et l'Ukraine se défend, contre-attaque et reprend du terrain. C'est l'honneur de la France d'aider les Ukrainiens à se défendre en livrant des armes, notamment des canons Caesar, et en formant les soldats ukrainiens. C'est l'honneur de la France de prendre ses responsabilités de nation-cadre en déployant des soldats en Roumanie aux côtés de nos alliés.

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