Intervention de Laure Lavalette

Séance en hémicycle du lundi 3 octobre 2022 à 21h30
Fonctionnement du marché du travail — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaure Lavalette :

Vous continuez de mobiliser une dialectique de la peur et de l'urgence afin de pérenniser une réforme de l'assurance chômage dont nous ne connaissons pas les bienfaits, et de demander au Parlement de ratifier vingt et une ordonnances dont les intitulés ne sont plus d'actualité. Le texte ne traduit pas la moindre prise de conscience de la réalité du marché du travail ; il témoigne en revanche de votre inaction en matière de politique de l'emploi. Pourtant, les chantiers sont nombreux : manque d'attractivité des métiers, crise des vocations, chômage des jeunes, augmentation des emplois précaires et instables, dysfonctionnement du suivi des demandeurs d'emploi, difficultés d'insertion professionnelle des personnes handicapées ou en perte d'autonomie – et j'en passe.

Je m'attarderai quelques instants sur la jeunesse, grande absente du projet de loi, mais dont les statistiques de chômage ont été, comme bien souvent, instrumentalisées – rappelons incidemment qu'il reste 5,4 millions de personnes inscrites à Pôle emploi et qui cherchent du travail. Si le taux de chômage des 15-24 ans est descendu en dessous de 16 % alors qu'il dépassait 20 % fin 2019, cette baisse doit évidemment être relativisée : l'emploi des jeunes est dramatiquement faible, à un taux inférieur à la moyenne de l'OCDE. Alors que le chômage des jeunes est de 4,2 % en Allemagne, il atteint 11,8 % en France. Un nombre croissant de jeunes sont en passe de quitter totalement le marché du travail. Leur réinsertion sera d'autant plus difficile qu'ils ne peuvent faire valoir suffisamment d'expérience professionnelle. Votre plan « 1 jeune, 1 solution » ne semble pas avoir porté ses fruits : la Cour des comptes estime que l'argent destiné à l'apprentissage profite en premier lieu à des étudiants de niveaux bachelor et master, dont l'insertion présente moins de difficultés. Il ne s'agit ici aucunement de remettre en cause les bénéfices de l'apprentissage, bien au contraire. Nous avons d'ailleurs proposé avec Marine Le Pen, lors de la campagne présidentielle, une aide à l'apprentissage répartie équitablement entre l'entreprise et l'apprenti, et qui ferait passer la rémunération mensuelle de ce dernier de 230 à 330 euros.

Au-delà des nombreux oublis de votre texte, c'est l'absence de modèle de société qui nous choque. Si vous vous réjouissez depuis plusieurs mois – à tort – de la baisse du chômage, nous préférerions que vous agissiez sur la nature des emplois créés. Si l'ubérisation de la société semble correspondre à votre vision « startupienne » de la France, elle induit une dégradation de la qualité de l'emploi, ce qui constitue un vrai problème. Les emplois précaires qui la caractérisent ne sauraient être une solution viable ; ils sont un vecteur d'incertitude et d'insécurité. Plutôt que de les favoriser, il serait temps de répondre à la crise des vocations que nous traversons. Redonner du sens au travail, le valoriser et assurer une rémunération juste, tels sont les seuls moyens de ramener durablement les chômeurs vers l'emploi.

Contrairement à l'image que vous tentez d'en donner, les Français ne sont pas des fainéants qu'il faudrait sanctionner en rabotant significativement l'allocation chômage. À l'inverse, la revalorisation des salaires et le renforcement de l'attractivité des métiers procureraient aux travailleurs un sentiment d'utilité et de fierté. En ce sens, nous proposons d'appliquer pendant cinq ans, dans le cadre d'un contrat d'entreprise, une exonération des cotisations patronales sur toute hausse des salaires de 10 % accordée à l'ensemble des salariés gagnant jusqu'à trois fois le SMIC. Car non, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, pour nous, les Français ne sont ni des flux, ni des stocks qu'il conviendrait d'ajouter ou de déplacer dans les fichiers de Pôle emploi sans jamais répondre à leurs attentes.

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