Intervention de Estelle Youssouffa

Réunion du jeudi 20 juillet 2023 à 14h40
Commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la constitution

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEstelle Youssouffa :

Tout en saluant ce travail dense et important, je voudrais exprimer un certain nombre de regrets. Tout d'abord, contrairement à l'orientation prise lors de votre déplacement à Mayotte, le rapport n'accorde que peu de place à la question de l'eau, qui est pourtant l'un des facteurs essentiels de la cherté de la vie sur le territoire mahorais. Qu'elle vienne du robinet ou qu'elle soit vendue au supermarché, l'eau y est la plus chère de France. J'évoquerai ce point dans ma contribution.

L'accent mis sur les questions institutionnelles me parait hors sujet, pour ne pas dire militant et en décalage avec le positionnement d'autres départements ultramarins, même si je respecte la démarche que certains peuvent avoir.

Le choix qui a été fait de privilégier l'indicateur de Fisher pour mesurer le coût de la vie ne me satisfait pas. Je vous renvoie au rapport d'information sur l'autonomie alimentaire des Outre-mer que mon collègue Marc Le Fur et moi-même avons rédigé. Une étude de la préfecture de Mayotte montre que, pour un même panier alimentaire, la différence de prix entre Mayotte et l'Hexagone est de 161 %, ce que ne reflète pas le présent rapport. Par cohérence avec le travail de la délégation aux Outre-mer, je souhaite que l'on utilise les mêmes données.

En matière de téléphonie, le rapport est lacunaire concernant Mayotte. La quasi-totalité des forfaits proposés pour les communications de l'Hexagone vers les départements et territoires d'outre-mer (DOM-TOM) ne concernent pas Mayotte.

Je regrette que le rapport ne fasse aucune mention de la situation d'Air Austral, si ce n'est à propos des aides dont la compagnie réunionnaise a bénéficié. Cette dernière est perçue par les Mahorais comme une société prédatrice. Elle connaît des conflits d'intérêts majeurs avec la direction générale de l'aviation civile (DGAC) et a réussi à exclure Corsair des liaisons avec Mayotte, ainsi qu'à restreindre les créneaux de Kenya Airways. La question du transport aérien est essentielle pour Mayotte. Or, le rapport a porté la focale sur les Antilles, comme si la situation monopolistique qui prévaut dans l'océan Indien était jugée normale. Cela me déçoit beaucoup car, pour le consommateur mahorais, c'est une requête ancienne et très légitime. Je ne sais pas comment on peut dire que les prix de l'aérien à Mayotte ont baissé alors qu'ils ont explosé du fait de la disparition de la concurrence au profit d'Air Austral.

Le rapport n'évoque pas non plus les dépenses des foyers pour les études de leurs enfants dans l'Hexagone, qui pèsent lourd sur leur pouvoir d'achat.

Le centre hospitalier de Mayotte indique que les évacuations sanitaires concernent principalement les étrangers. Pour se faire soigner, les Mahorais se cotisent. J'aurais souhaité que vous citiez la Défenseure des droits, qui décrit le territoire mahorais comme un désert médical.

Je regrette que le rapport survole un certain nombre de points car la cherté de la vie est un sujet essentiel du débat politique mahorais depuis une quinzaine d'années.

S'agissant de l'octroi de mer, tout le monde ne partage pas la position de M. Serge Letchimy. Il faut faire preuve de nuance. J'invite la délégation aux Outre-mer à entendre toutes les positions et pas seulement celles des conseillers départementaux et régionaux. Les principaux concernés sont tout de même les maires, qui sont engagés, à Mayotte, dans un face-à-face très tendu avec la préfecture. La disparition de l'octroi de mer les placerait dans une position encore plus difficile vis-à-vis de l'État. Les collectivités mahoraises sont très pauvres ; le produit des impôts locaux est extrêmement faible.

Pour toutes ces raisons, le groupe LIOT s'abstiendra, ce qui ne nous empêchera pas d'apporter notre contribution écrite aux travaux.

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