Intervention de Ludovic Mendes

Réunion du mardi 20 juin 2023 à 21h00
Commission d'enquête sur la structuration, le financement, les moyens et les modalités d'action des groupuscules auteurs de violences à l'occasion des manifestations et rassemblements intervenus entre le 16 mars et le 3 mai 2023, ainsi que sur le déroulement de ces manifestations et rassemblements

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLudovic Mendes :

À titre personnel, je considère que le mouvement des gilets jaunes a été alimenté par les mouvances d'ultradroite et d'ultragauche. Les premiers gilets jaunes étaient des gens comme tout le monde, quoique nourris à des thèses complotistes. En Moselle, j'ai entendu dire tout et n'importe quoi, souvent par des gens ayant servi l'État.

Dans la région Grand-Est, des gens de Bure sont venus à Nancy et ont poussé jusqu'à Metz avant de renoncer. De tels déplacements de groupuscules ont aussi été observés à Nantes. En Moselle, certains viennent d'Allemagne et des Ardennes belges, d'autant plus facilement que personne n'est contrôlé à la frontière et que, même en cas de contrôle, les individus non surveillés ne sont pas signalés aux services de renseignement. De nombreuses personnes traversent la frontière quotidiennement, notamment pour travailler ; certaines s'insèrent dans des groupuscules et s'organisent à l'étranger. Franchir la frontière avec l'Allemagne est simple. Des militants de Génération identitaire l'ont fait pour rejoindre des camps d'entraînement.

À Metz, le chanteur Bilal Hassani n'a pas pu se produire parce que les mouvances d'ultradroite avaient menacé d'aller jusqu'à tuer les personnes présentes dans la salle, ce qui va loin dans la provocation à la haine. La semaine dernière, plus de cent parlementaires ont collectivement porté plainte en raison des tracts de l'ultradroite nous incitant à abattre les Juifs et les étrangers pour la sauvegarde de la race blanche. Il y a bel et bien une réponse de l'ultradroite à l'ultragauche – si vous dites cela à un journaliste, il vous dira que vous êtes fou car il part du principe que cela n'existe pas.

Comment le complotisme s'est-il insinué dans les gilets jaunes ? Comment ont-ils basculé après avoir intégré des gens des mouvances d'extrême gauche et d'extrême droite ? Je connaissais certains militants. J'ai vu le travail qu'ils ont mené. Ils ont récupéré des personnes éloignées de toute structure politique ou associative pour les former. Ces dernières, jeunes ou moins jeunes, participent désormais à des manifestations parfois violentes.

Les gilets jaunes ont-ils été pour les militants ultras un vivier de recrutement, voire une chair à canon ? La montée de la violence dans les manifestations de gilets jaunes est allée de pair avec l'augmentation du nombre de drapeaux de l'ultradroite et de l'ultragauche. L'un et l'autre sont-ils corrélés ?

En ce qui concerne la dimension terroriste, j'observe que, lorsqu'on parle de terrorisme en France, on parle surtout du terrorisme islamiste, rarement des autres formes. L'événement survenu à Annecy la semaine dernière n'a pas été qualifié d'acte terroriste. L'attaque de la mosquée de Bayonne par un membre de l'ultradroite n'a pas été considérée terroriste alors qu'elle aurait logiquement dû l'être. La qualification législative des actes de terrorisme pose-t-elle problème ? Faut-il la réviser ? Si des individus font le tour de l'Europe pour aller chercher des gens qu'ils savent capables d'allumer des incendies, de poser des bombes et d'utiliser des armes lors des manifestations – bref, capables de violence –, n'est-ce pas la base du terrorisme ? N'est-il pas possible de redéfinir ces actes pour qu'ils relèvent d'une autre procédure pénale et que les services travaillent dessus autrement, si nous voulons vraiment faire peur et faire mal à leurs auteurs et surtout aux responsables politiques, dont certains dans cette assemblée, qui se rendent dans les manifestations et en légitiment la violence ? Cela en calmerait plus d'un.

Ce débat de fond, nous devons l'avoir. Je pars du principe que les lois relatives à la lutte contre le terrorisme nous permettent de qualifier ces actes de terroristes. Mais nous n'avons pas le courage politique de le faire.

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