Intervention de Dominique Darmendrail

Réunion du mercredi 6 septembre 2023 à 10h10
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Dominique Darmendrail, directrice du programme scientifique Gesteau – eaux souterraines et changement global, Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) :

Mon intervention portera essentiellement sur la situation des eaux souterraines. Les nappes assurent 67 % de l'alimentation en eau potable de la France, et même plus de 90 % dans certains départements. Par conséquent la qualité des nappes d'eau souterraines est très importante. Ces nappes fonctionnent de manière complexe. Il existe environ 6 500 aquifères, dont seulement 200 sont de taille régionale. Elles n'ont pas accès au soleil et donc aux effets que celui-ci peut avoir sur la dégradation de certaines substances.

Le BRGM gère le réseau piézométrique qui permet de produire les cartes fournissant le niveau de l'eau, publiées tous les quinze jours ou tous les mois. Ce réseau est associé à un portail d'accès aux données des eaux souterraines qui contient l'ensemble des données récoltées par les collectivités locales et par les syndicats d'eau sur la qualité des eaux souterraines. Ces données permettent de réaliser des analyses au niveau national et au niveau régional ; elles alimentent le reporting au niveau européen.

Par ailleurs, comme il est difficile de multiplier les trous dans le sous-sol, nous avons recours à des modélisations pour prédire ce qui se passe dans les eaux souterraines. Dans le cas des polluants, nous devons être en mesure de coupler qualité et quantité et nous formulons des hypothèses. Nous travaillons sur des gros volumes d'eau et sur des solutions visant à traiter les pollutions diffuses qui sont importantes.

Compte tenu du nombre de molécules présentes, de leurs caractéristiques, de la complexité du milieu souterrain, il est difficile de faire des généralités. Nous nous adaptons systématiquement au contexte dans lequel nous nous situons. Un même comportement peut avoir des effets opposés. Par exemple, il peut y avoir des effets de chasse en cas de forte pluie s'il y a un stock de polluants dans le sol au-dessus des nappes d'eau souterraines. Les polluants seront ici dilués. Dans d'autres cas, une arrivée d'eau massive peut apporter encore plus de polluants.

Agathe Euzen vous a dit que moins de 1 % des polluants étaient mesurés. En Europe, 480 substances actives ont été homologuées ; on en retrouve 185 dans les produits autorisés en France. Avec les métabolites, il y a ainsi environ 500 substances à doser mais seules 29 le sont en surveillance normale. La base de données que j'ai mentionnée contient des informations sur ces 29 substances. Nous vous communiquerons des éléments pour vous montrer les gammes de concentration que nous pouvons observer. Nous disposons aussi des mêmes données pour les eaux de surface. Il y a eu une campagne de mesures en 2011 et en 2012 sur les eaux de surface et sur les eaux souterraines mais nous n'avons pas trouvé les mêmes substances, notamment pour des raisons de temporalité et de transferts entre le sol et les eaux souterraines. Si l'atrazine est banni depuis 17 ans, il y a ainsi encore des traces de cette substance dans les eaux souterraines en raison du stock dans les sols. Les concentrations diminuent mais elles restent supérieures à ce qui est considéré comme admissible.

Gwenaël Imfeld l'a évoqué, du fait de la multiplicité des comportements de ces substances et de leurs métabolites, nos méthodes de surveillance doivent évoluer. Par exemple, grâce à des monitorings non ciblés, nous cherchons les substances à problème. C'est un de nos grands champs de recherche. Je vous montrerai quelles sont les substances phytosanitaires que nous pouvons identifier ou non en fonction des différents types de dosage. En conclusion, le milieu souterrain est ainsi très compliqué à appréhender.

En termes de solutions, le BRGM travaille sur un programme de microbiodiversité des eaux souterraines, laquelle demeure très mal connue, y compris au niveau européen. Sur la nappe des calcaires de Beauce, au nord d'Orléans, nous nous sommes aperçus que les faciès microbiologiques étaient différents des faciès chimiques et il semblerait qu'il existe un lien avec les concentrations de certains polluants, en particulier avec des pesticides. Il existe donc un indicateur permettant d'identifier des problèmes de pesticides que nous ne mesurons pas à l'heure actuelle avec les seuils que nous utilisons. Nous dosons les substances une à une et par groupe, mais il peut y avoir des substances que nous ne recherchons pas et qui ont des effets sur la microbiodiversité. Ce programme est financé dans le cadre du programme exploratoire de recherche « OneWater » et nous espérons qu'il nous permettra de définir des indicateurs pour identifier des problèmes de pollution aujourd'hui non mesurés au travers de leurs effets sur la microbiodiversité.

Enfin, nous essayons de prendre en compte les effets cocktail, notamment dans les solutions que nous étudions. Par exemple, nous cherchons à utiliser les bactéries présentes dans les milieux pour traiter les pesticides mais aussi d'autres molécules qui seraient présents, comme les molécules pharmaceutiques ; nous cherchons ainsi à traiter le cocktail. Nous sommes néanmoins confrontés au manque de clarté et d'articulation entre les différentes règlementations françaises et européennes. Certaines portent sur le suivi de la qualité des milieux, d'autres sur l'autorisation des substances pour une certaine utilisation – agricole par exemple, d'autres encore pour une autre utilisation – je pense au bâtiment. Or l'impact sur l'environnement et sur la qualité des eaux est global, il est la synthèse de l'ensemble de ces sources qui sont appréhendées par autant de réglementations différentes.

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