Intervention de Matthieu Schuler

Réunion du mercredi 6 septembre 2023 à 10h10
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Matthieu Schuler, directeur général délégué du pôle Sciences pour l'Expertise à l'Agence Nationale Sécurité Sanitaire Alimentaire Nationale (ANSES) :

La comparaison avec le passé est très difficile : en 1998, lorsque la directive sur l'eau a instauré la fameuse limite de qualité de 0,1 microgramme par litre, c'était presque le seuil de ce que l'on savait mesurer. C'est pour cette raison que M. Rosin appelait à la prudence : la fréquence de détection d'une molécule est directement liée à la performance technique.

La clef, c'est de s'intéresser à l'évolution longitudinale. C'est ce qui s'est passé pour le S-métolachlore, qui peut rester assez longtemps dans l'environnement et rejoindre les nappes souterraines ; le suivi longitudinal nous a permis de vérifier si les milieux pouvaient absorber cette charge, et s'il y avait un risque, et nous avons estimé que l'utilisation de ce produit entravait la résilience du milieu. Cet exemple illustre aussi le fonctionnement de la pharmacovigilance : l'évaluation ex ante a été faite, l'hypothèse d'un danger était présente, et l'autorisation européenne du S-métolachlore avertissait même qu'une grande vigilance serait nécessaire. L'interdiction ne découle pas d'une absence de préoccupation dans l'autorisation. C'est la pharmacovigilance qui a ensuite mené l'Anses à prendre la décision que vous connaissez.

Notre démarche est-elle complètement empirique ? Il y a une part de capacité technique, bien sûr, mais nous ne lançons pas nos filets complètement au hasard. Dès lors que des contaminants spécifiques posent des problèmes sanitaires, des contrôles sanitaires interviennent : cela a été le cas pour le plomb, lorsqu'il était difficile de suivre l'évolution de l'amélioration du dispositif de distribution, ou pour le chlorure de vinyle monomère, produit cancérogène qui pouvait être relâché par certaines tuyauteries. Nous essayons d'être pragmatiques : nous ne surveillerons pas les mêmes pesticides dans une région où l'élevage prédomine que dans une région où l'on cultive principalement du maïs.

Vous nous demandez s'il est possible de déterminer l'origine des pesticides que nous retrouvons. En règle générale, le spectromètre de masse ne sait pas faire parler la molécule. Prenons l'exemple de l'Ampa (acide aminométhylphosphonique), qui est un métabolite du glyphosate, mais aussi un produit de transformation de certaines substances détergentes ou biocides : nous ne saurons pas dire si l'Ampa retrouvé dans une masse d'eau provient d'un pesticide, d'un biocide ou d'un détergent. Dans certains cas peu fréquents, il existe des signatures ; pour les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), la proportion des différents HAP dans la famille permet d'orienter vers une usine d'incinération ou vers la combustion d'un moteur de véhicule, par exemple. Mais rien ne permet de remonter à la source d'une substance isolée. Seule l'enquête sur l'utilisation d'un produit dans un territoire peut nous renseigner. Les agriculteurs ont l'obligation de consigner dans un carnet les traitements qu'ils font, mais nous n'avons pas accès à ces données de manière automatisée, ce qui rend le récolement et donc la mise en perspective compliqués.

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