Intervention de Jimmy Pahun

Séance en hémicycle du jeudi 6 octobre 2022 à 9h00
Lutte contre les plastiques dangereux pour l'environnement et la santé — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJimmy Pahun, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire :

J'ai l'honneur de soumettre à votre examen, que je sais attentif et que j'espère bienveillant, la proposition de loi visant à lutter contre les plastiques dangereux pour l'environnement et la santé.

Ces dernières années, la France a renforcé son arsenal législatif pour mieux lutter contre la pollution plastique. Il reste cependant tant à faire pour imaginer un jour juguler cette pollution omniprésente dans la terre, dans la mer et jusque dans le corps humain.

La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite loi AGEC, promue en son temps par Brune Poirson, constitue la pierre angulaire de notre dispositif de lutte contre la pollution plastique. Elle acte en particulier une planification quinquennale visant à atteindre en 2040 l'objectif « zéro plastique à usage unique » ; elle établit également de nombreuses interdictions et obligations en matière d'usage et d'emballage. Grâce à cette loi, nous avons aussi été parmi les premiers – peut-être le premier – pays en Europe à prévoir l'interdiction des microplastiques ajoutés dans des produits tels que les cosmétiques, les peintures et les engrais.

La Commission européenne défend ce projet au niveau européen dans le cadre de la révision du règlement Reach – enregistrement, évaluation, autorisation des substances chimiques et restrictions applicables à ces substances. Nous avons aussi beaucoup fait en faveur de l'information du consommateur, en généralisant le marquage relatif aux caractéristiques environnementales des produits. Dans le même temps, nous avons limité certaines allégations environnementales trompeuses ou abusives.

La loi AGEC a été complétée sur certains points par la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi climat et résilience. Elle interdit notamment les emballages en polystyrène, s'ils ne sont pas recyclables et recyclés, au 1er janvier 2025. Avec des collègues de plusieurs groupes politiques, issus de la majorité comme de l'opposition, nous avions défendu un amendement commun pour faire disparaître ces emballages jamais recyclés et dont la toxicité pour la santé et pour l'environnement fait l'objet de nombreux travaux scientifiques. Parmi ces députés, il y avait nos anciens collègues Maina Sage, Laurianne Rossi et François-Michel Lambert, dont je n'oublie pas l'engagement contre la pollution plastique – je veux les saluer ici en votre nom. Le choix fait par le Sénat d'ajouter à cette interdiction une condition de recyclabilité a été ensuite validé par la commission mixte paritaire.

Par la présente proposition de loi, je me suis autorisé à soumettre à nouveau cette question à la représentation nationale. J'ai en effet estimé que les engagements solennels pris devant le Sénat par les industriels, regroupés au sein du consortium PS25, n'ont pas été tenus. Avant la fin de 2021, ils devaient nous apporter la preuve qu'une filière de recyclage du polystyrène (PS) serait opérationnelle au 1er janvier 2025, ou, à défaut, définir une trajectoire de sortie progressive du PS. Un rapport a bien été produit en décembre dernier, mais il n'a pas fait l'objet d'une analyse indépendante, qu'elle soit publique ou privée, qui nous aurait permis de valider les allégations du consortium PS25.

En commission, nous avons fait le choix de ne pas modifier la loi « climat et résilience » ; nous avons donc réécrit l'article 1er de la proposition de loi. Je ne retire aucun argument ni rien de ce que j'ai pu exposer aux uns et aux autres quant à l'impact du polystyrène sur la santé et l'environnement. J'accepte cependant de considérer qu'il est compliqué de modifier le cadre législatif un an à peine après la promulgation de la loi « climat et résilience ».

Je ne reste pas moins convaincu qu'au 1er janvier 2025, le PS ne sera ni recyclable ni recyclé. Le consortium a deux ans pour finaliser son concept en laboratoire et pour l'industrialiser, pour obtenir les certifications sanitaires et environnementales nécessaires, pour lancer la construction des différentes usines de recyclage en comptant le temps incompressible des démarches administratives, pour les rendre opérationnelles, et enfin pour recycler de manière effective plus de 50 % des déchets en polystyrène collectés.

En 2025, la loi sera appliquée : les industriels qui n'auront pas changé de matériau se verront interdire la mise sur le marché de leurs emballages en PS. Je le dis avec humilité, solennité et fermeté, du haut de cette tribune, devant notre assemblée : la loi sera appliquée. Elle le sera quels que soient les investissements lancés et quels que soient les progrès réalisés. Je le dis à ceux qui refusent la transition immédiate vers des matériaux et des pratiques plus durables : les fausses promesses ne vous font pas gagner du temps, elles vous en font perdre.

Je ne m'attarderai pas, faute de temps, sur les questions importantes soulevées par le recyclage chimique. Nous ne savons pas encore grand-chose de l'impact environnemental de ces projets, notamment en ce qui concerne les rejets de polluants et les émissions de gaz à effet de serre qu'ils induisent. Les émissions de CO2 du recyclage chimique par pyrolyse seraient jusqu'à neuf fois supérieures à celles du recyclage mécanique. Nous ne devons donc pas miser uniquement sur le recyclage, a fortiori chimique, si nous voulons respecter l'accord de Paris.

La lutte contre la pollution plastique est ainsi un enjeu énergétique majeur pour nos sociétés, appelées à embrasser plus intensément la notion de sobriété afin de répondre aux crises géopolitiques et climatiques. Il est donc plus que jamais important d'acter, en France et en Europe, la fin du recyclage comme première solution à la pollution plastique. Un rapport publié la semaine dernière par la Cour des comptes pointe d'ailleurs notre incapacité, depuis maintenant plus de dix ans, à tenir nos objectifs de collecte, de tri et de recyclage.

Nous devons donc recentrer le recyclage sur les quelques plastiques pour lesquels les filières sont d'ores et déjà très efficaces, et, pour le reste, mettre l'accent sans attendre sur la réduction à la source. C'est selon moi l'objectif majeur de l'article 1er , réécrit en commission.

1 commentaire :

Le 03/12/2022 à 13:26, Corinne M. Bonnard a dit :

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Bonjour Monsieur,

Votre constance et votre ténacité vous honorent. Cet article 1 de votre proposition de loi souligne pertinemment qu’une matière nocive ne se transforme pas en bienfait par la seule incantation d’un progrès technique possible, à venir, espéré…

La cop 15 approche. Comptez-vous reprendre cette proposition de suppression des polystyrènes des emballages ? De quelles manières ? Par quels relais ?

Merci pour votre réponse.

Corinne M. Bonnard

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