Intervention de Nicolas Meizonnet

Séance en hémicycle du lundi 9 octobre 2023 à 16h00
Lutte contre l'inflation concernant les produits de grande consommation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Meizonnet :

Est-ce donc tout ce dont vous êtes capable ? Alors que la précarité alimentaire gagne chaque jour du terrain, dans un pays qui compte désormais 10 millions de pauvres, alors qu'un Français sur trois déclare ne pas manger à sa faim, qu'un Français sur deux se prive de viande ou de fruits et légumes frais, que les Restos du cœur sont désormais contraints de réduire leur nombre de bénéficiaires, je vous repose la question, madame la ministre déléguée : est-ce donc tout ce dont vous êtes capable ?

Depuis trois ans, alors que les Français subissent l'inflation, vous tâtonnez en multipliant vainement les coups de communication tandis que des multinationales s'en mettent plein les poches ; nos concitoyens souffrent de votre inaction.

Inlassablement, le ministre Bruno Le Maire nous a livré ses analyses économiques erronées, affirmant alternativement que « nous [étions] au pic de l'inflation » et que le pic était derrière nous. Inlassablement, il est allé demander aux géants de l'industrie et de la distribution d'avoir l'amabilité de bien vouloir fournir quelques efforts, au point de se voir affublé de ce surnom qui lui va si bien : « Bruno demande ». Eh oui, hélas, Bruno demande mais n'obtient rien !

Face à cette absence totale de résultats, le gouvernement d'Élisabeth Borne a décidé d'agir. Sa première mesure relève du génie : la vente à perte du carburant. Mais le génie reste incompris et la mesure, balayée d'un revers de la main par les distributeurs, est renvoyée aux oubliettes des fausses bonnes idées de l'histoire.

La deuxième mesure, presque aussi hasardeuse que la première, consiste à avancer de six semaines la date des négociations commerciales entre les fournisseurs et les distributeurs, afin de voir si, sans la moindre injonction ni la moindre contrainte, ces derniers ne consentiraient pas, tout de même, à baisser un petit peu les prix. Du comique au tragique, il n'y a souvent qu'un pas. Le texte indigent et dérisoire que vous nous proposez revient à tirer à pile ou face l'espoir de voir le pouvoir d'achat des Français s'améliorer.

Au fond, « la fin de l'abondance », annoncée par Emmanuel Macron, est peut-être un projet politique qui vise à accroître la pauvreté de nos compatriotes et à faire disparaître inexorablement les producteurs locaux. En effet, dans ma circonscription, en vingt ans, deux tiers des bateaux de pêche ont cessé leur activité ; des dizaines d'exploitations agricoles disparaissent chaque semaine ; un agriculteur se suicide tous les deux jours. Dès 2028, notre pays, dont la filière laitière était pourtant l'une des plus productives du monde, deviendra importateur net de lait.

Je vous le dis haut et fort : il est hors de question de s'y résoudre ! Si, dans une économie ouverte, nous n'avons pas – ou peu – de prise sur certaines causes de l'augmentation des prix, certaines décisions politiques auraient pu être évitées quand d'autres auraient dû être prises.

En refusant d'abandonner vos dogmes – soumission à l'Union européenne et libéralisme absolu –, vous avez laissé les agriculteurs et les producteurs désarmés face à une concurrence déloyale toujours plus féroce. Vous avez béatement accepté les règles du marché européen, dont les conséquences sont dévastatrices pour nos intérêts stratégiques et pour la compétitivité de nos entreprises. Vous avez refusé toute intervention de l'État dans les négociations entre les fournisseurs et les distributeurs, persuadés que le mécanisme de la main invisible ferait son travail – avec le résultat que l'on connaît.

Votre naïveté est coupable. Les députés du groupe Rassemblement national soutiennent que l'urgence de la situation exige des mesures exceptionnelles. Lorsque le marché engendre des inégalités et des injustices, alors c'est à la puissance publique de reprendre la main. Les multinationales – industriels comme distributeurs – ne doivent plus faire ce qu'elles veulent. Leurs marges doivent être encadrées en instaurant, d'une part, un plancher afin de garantir des revenus décents aux producteurs et aux agriculteurs, d'autre part, un plafond par la création d'une taxe sur les superprofits. Il sera mis un terme tant aux marges abusives qu'aux profiteurs de crise, l'un et l'autre néfastes aux consommateurs.

Pour cela, il faut en appeler à la responsabilité des acteurs économiques. La liberté s'accompagne toujours de la responsabilité. Il faut donner à la loi toute sa force, afin que ceux tentés d'avoir des comportements peu scrupuleux soient contraints d'y renoncer. Nous aurons l'occasion de vous soumettre des propositions en ce sens au cours du débat.

Hélas, encore une fois, nous craignons que votre sectarisme ne l'emporte, au détriment des Français. Selon Voltaire, « le meilleur gouvernement est celui où il y a le moins d'hommes inutiles ». Madame la ministre déléguée, la manière dont vous accueillerez les propositions de bon sens que nous vous ferons à l'occasion de l'examen du texte permettra de déterminer à quelle catégorie vous appartenez.

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