Intervention de David Taupiac

Séance en hémicycle du lundi 9 octobre 2023 à 16h00
Lutte contre l'inflation concernant les produits de grande consommation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDavid Taupiac :

Pas besoin de s'épancher non plus sur sa petite sœur, la vente à prix coûtant : les Français n'en perçoivent pas l'effet sur leur porte-monnaie. Quant au trimestre anti-inflation, cet outil de communication du Gouvernement et des distributeurs, il n'aura servi qu'à modérer quelques hausses de prix sans permettre un véritable contrôle des marges des distributeurs.

Reste la dernière idée en date : avancer de six semaines les négociations commerciales entre la grande distribution et les plus gros industriels. Le raisonnement est simple : puisque le cours de certaines matières premières agricoles diminue, il faut répercuter au plus vite cette baisse dans les rayons.

C'est un pari. D'abord, parce que les coûts de production des industriels continuent de croître. Vous n'êtes pas sans savoir que la baisse des prix des matières premières n'est pas généralisée : si le blé voit son cours diminuer, celui du sucre atteint des sommets. N'oubliez pas non plus que les factures énergétiques des entreprises restent exorbitantes et que l'on ne revient pas sur une hausse de salaire une fois qu'elle a été accordée. Dans ces conditions, miser sur une baisse des prix des industriels relève de la gageure.

Ensuite, parce que la puissance publique n'intervient pas dans les box de négociation. Personne ne peut donc certifier que la grande distribution parviendra à imposer une baisse de prix aux entreprises.

Par ailleurs, je ne perds pas de vue les inquiétudes légitimes des agriculteurs. Ceux qui produisent restent le maillon le plus fragile de la chaîne agroalimentaire ; ils pourraient être les premières victimes des pressions exercées par une grande distribution qui cherche à diminuer son coût d'achat, d'autant que les contrôles de la DGCCRF demeurent insuffisants pour garantir la non-négociabilité de la matière première.

En outre, en bouleversant le calendrier des négociations commerciales, vous risquez d'affaiblir les ETI et les PME. Le projet de loi prévoit en effet que seuls les plus gros industriels seront concernés par l'avancée de la date butoir. Aussi avons-nous été nombreux à être alertés par les petites entreprises de nos territoires, qui redoutent de se retrouver exclues des rayons. Leurs inquiétudes sont légitimes : nous connaissons tous les capacités des multinationales à cannibaliser les budgets et les rayons de la grande distribution.

Le rapporteur propose désormais d'asseoir tout le monde à la table des négociations au même moment. C'est mieux, mais les PME auront-elles seulement les moyens humains et matériels de faire face à des négociations commerciales précoces ?

En résumé, rien ne dit que cette grand-messe aboutira à une spectaculaire baisse des prix. Les incertitudes sont trop nombreuses. Vous faites, par ce projet de loi, une promesse aux Français que vous n'êtes pas certains de tenir. Que leur direz-vous si ces négociations commerciales débouchent sur une hausse des prix anticipée ? Surtout, que ferez-vous ?

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