Intervention de Tematai Le Gayic

Séance en hémicycle du mardi 17 octobre 2023 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2024 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaTematai Le Gayic :

Nous dénonçons la méthode qui consiste à imposer un amendement sans dialogue préalable avec les principaux intéressés, à savoir les députés d'outre-mer, et nous demandons au Gouvernement de ne pas l'intégrer dans le texte qui sera adopté s'il est recouru à l'article 49, alinéa 3 de la Constitution. Cette demande sera formulée dans un courrier signé par une majorité des députés d'outre-mer, remis au ministre Vigier demain matin.

Si vous souhaitez réaliser des économies, écoutez bien ce que je vais vous proposer, car c'est bien la première fois que je vous invite à en faire : retirez le pays de Ma'ohi Nui – l'actuelle Polynésie – du décret n° 96-1028 relatif à l'attribution de l'indemnité d'éloignement aux magistrats et aux fonctionnaires titulaires et stagiaires de l'État en service à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. En effet, cette indemnité d'éloignement, attribuée aux seuls fonctionnaires de l'État français considérés comme des expatriés dans nos pays, est obsolète et crée un effet d'aubaine. Il est préférable de favoriser la formation et le retour des originaires dans nos pays respectifs, afin de constituer une main-d'œuvre de qualité, qui connaît son pays et s'y investira pleinement.

Concernant les conventions fiscales, celles passées avec les pays océaniens encore français sont dépassées, inégales et très défavorables à nos pays. Il est nécessaire d'engager un dialogue entre l'État et les gouvernements de Ma'ohi Nui et de Kanaky afin d'établir une véritable convention fiscale entre l'État et chacun de ces deux pays. La convention fiscale signée en 1957 entre la France et la Polynésie, en pleine installation du Centre d'expérimentation du Pacifique – CEP –, ne tient pas compte des récentes évolutions. Notre économie, avant 1957, était marquée par une balance commerciale excédentaire. Elle a été détruite au profit d'une économie de comptoirs, très dépendante du nucléaire, jusqu'en 1996. À son apogée, 70 % de l'économie polynésienne dépendait du nucléaire. Pour compenser le démantèlement du CEP en 1996, l'État a créé une dotation dite d'autonomie, versée annuellement au pays de Ma'ohi Nui à hauteur de 151 millions d'euros, soit 18 milliards de francs Pacifique. Cette dotation n'a pas été revalorisée depuis vingt-cinq ans malgré l'inflation. Au moins, nous demandons qu'elle soit indexée sur l'inflation.

D'autre part, la suppression de la CVAE et l'absence de présentation d'un dispositif de compensation convaincant inquiètent les collectivités territoriales d'outre-mer qui en bénéficient : elles craignent en effet que leur budget de fonctionnement ne soit réduit. Or ce budget de fonctionnement est déjà sous-doté, car la dotation globale de fonctionnement versée à certaines collectivités territoriales d'outre-mer est calculée sur la base d'un recensement qui sous-estime le nombre d'habitants dans nos pays, notamment en Guyane et à Mayotte, étant précisé que la DGF est recalculée tous les six ou sept ans. Nous proposons par conséquent de maintenir la CVAE telle qu'elle existait en 2020.

De surcroît, le gouvernement français souhaite financer la filière du train en taxant les compagnies aériennes, ce qui aurait des conséquences pour les passagers. Vous voulez favoriser l'usage du train plutôt que de l'avion pour des raisons écologiques, mais pour les pays d'outre-mer, l'avion n'est pas une option ! Finalement, le gouvernement français propose de taxer les aéroports. Ce subtil tour de passe-passe conduira au même résultat, puisque les sociétés aéroportuaires augmenteront les redevances demandées aux compagnies aériennes et que ces dernières en répercuteront le coût sur le tarif des billets. La non-exonération des pays d'outre-mer de cette taxation supplémentaire serait une nouvelle marque de votre manque de considération pour les contraintes auxquelles nous sommes confrontés.

Nos réalités ne sont pas celles de l'Hexagone et l'application de votre politique budgétaire ne saurait être homogène et unilatérale. Un dialogue doit s'engager entre le Gouvernement et les députés des pays d'outre-mer pour que l'argent soit bien utilisé dans nos territoires.

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