Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du vendredi 20 octobre 2023 à 15h00
Débat sur les finances locales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Depuis plusieurs années, le Gouvernement annonce une sortie de crise et la fin du quoi qu'il en coûte. C'est, du moins, la feuille de route qu'il présente cet automne. Avec ce projet de loi de finances pour 2024 – sur lequel, je le rappelle, la représentation nationale ne pourra pas se prononcer –, les ministres veulent à tout prix réduire le déficit ; j'ai dit, ici même, que je pensais qu'ils n'y parviendraient pas.

Les crises se succèdent et le pire est à venir : urgence écologique, perte de pouvoir d'achat qui menace la consommation populaire, crise du logement, sous-financement des services publics… Dans ce contexte, il est plus facile d'annoncer des économies que les faire. Le Gouvernement compte donc reporter ses responsabilités sur les collectivités territoriales. L'exemple du financement de la bifurcation écologique est éloquent : le montant qui y est consacré dans ce budget est six fois inférieur aux préconisations, sous prétexte que le complément devra être apporté par les différents échelons locaux. C'est aussi aux collectivités que sont sous-traités l'austérité et l'effort de réduction des déficits, en même temps que les investissements impérieusement nécessaires. Vous remarquerez la contradiction. Heureusement, l'article de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, qui leur imposait des économies, a été supprimé. Toutefois, le Gouvernement n'a pas abandonné ce projet, puisque les ministres imposent aux collectivités qu'elles participent à ces fameuses revues des dépenses publiques.

Ainsi, la contribution des collectivités ne cesse d'augmenter, alors que leurs dépenses sont toujours plus contraintes. Elles sont d'abord contraintes par le contexte social et économique : en effet, c'est sur elles que reposent les premières réponses aux difficultés de la population ; elles financent des aides et des salaires qui ont été insuffisamment augmentés, la construction de logements ou encore des services de proximité. Les dépenses sont ensuite contraintes par un pilotage de l'action locale par le haut : le remplacement des dotations par des fonds d'investissement et le développement de dispositifs contractuels permettent à l'État d'affirmer son contrôle, puisque les financements ne sont accordés qu'à condition de proposer un projet qui convient aux représentants de l'État. Les dépenses sont contraintes, enfin, par une sous-compensation du coût des transferts de compétences : si le montant de la dotation globale de fonctionnement est affiché en hausse en 2024, son augmentation, inférieure à 1 %, reste très en dessous de l'inflation. Rappelons que cette dotation n'est pas une largesse accordée par l'État mais une contrepartie aux transferts de compétences et un dispositif de solidarité entre les territoires. Avec un montant de dotation qui n'est pas à la hauteur des coûts réels, la part des dépenses obligatoires dans les budgets locaux augmente et réduit d'autant les marges financières des élus.

À rebours de toute logique, vous recentralisez et réduisez les ressources des collectivités au lieu de chercher les recettes qui permettent de répondre à leurs besoins. En premier lieu, vous supprimez la taxe d'habitation sur les résidences principales et la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises. Vous sous-compensez ensuite ces pertes de recettes par des affectations de taxe défavorables. Je rappelle que l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) a estimé à 1,3 milliard d'euros le coût de la suppression de la CVAE pour les collectivités.

La mise sous dépendance de la TVA pose non seulement un problème financier – c'est autant de recettes manquantes pour le budget de l'État – mais aussi un problème démocratique, car le Gouvernement a entre ses mains un moyen de pression sur les collectivités territoriales. En effet, l'État peut désormais diminuer la fraction qui leur est affectée comme bon lui semble, ce qu'il ne pouvait faire avec les impôts fléchés, dont les collectivités fixaient les taux. Par ailleurs, le lien entre les collectivités et les acteurs locaux se réduit : la suppression de la CVAE, par exemple, ne permet plus d'encourager les collectivités à attirer les entreprises contribuables en développant des infrastructures.

Les conséquences de cette politique s'observent facilement. Les collectivités éprouvent des difficultés financières de plus en plus importantes. Les recettes de la TVA – devenue le principal impôt local – devraient être peu dynamiques en 2024. Les difficultés du marché immobilier font craindre un net recul du produit des DMTO. Leur épargne brute devrait donc chuter de 9 % en 2024 et de 31,2 % pour les départements, selon la Banque postale.

Afin de remettre en cause cette logique, des amendements ont été présentés en commission des finances, visant à indexer la DGF sur l'inflation ou à majorer les recettes. Certains ont d'ailleurs réuni une majorité élargie jusqu'à vos rangs et ont été adoptés. Je pense à ceux qui majoraient le taux plafond du versement mobilité en Île-de-France – hélas pas dans toute la France – ou instauraient une taxe de séjour sur les hôtels de luxe. Malheureusement, vous avez choisi de continuer à réduire l'autonomie des collectivités puisque peu d'entre eux auront été débattus et retenus après le recours au 49.3.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion