Intervention de Sylvie Charles

Réunion du jeudi 28 septembre 2023 à 9h00
Commission d'enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l'avenir

Sylvie Charles, ancienne directrice générale des activités ferroviaires et multimodales de marchandises de SNCF Logistics :

Nous le sentions très bien. Ce que nous expliquions n'était pourtant pas très compliqué à comprendre, d'autant que nous montrions ce qui se passait en Autriche ou ailleurs. On nous écoutait avec attention et le ministère des transports partageait notre point de vue. Mais au ministère de l'économie et des finances, la vision était différente : pourquoi s'embêter puisque la SNCF payait ? Dans ce dossier, la France a été mauvaise élève vis-à-vis de l'Europe sur les risques, mais très bonne sur d'autres aspects. Par exemple, la SNCF tenait une comptabilité de ces activités depuis 1997 . A contrario, mes collègues de Trenitalia n'ont commencé à avoir des comptes qu'en 2012.

Je veux encore une fois témoigner de mon admiration pour les équipes de Fret SNCF. Elles se sont fortement engagées, ont retroussé leurs manches et ont fondamentalement changé leur manière de produire du chemin de fer, notamment en allant rencontrer les clients pour cerner leurs besoins au plus près. Naturellement, la situation actuelle est une très mauvaise nouvelle. Mais, comme pour tout dans la vie, face à une déception il faut rebondir et arriver à trouver du positif.

J'avais réussi à trouver 50 à 60 millions d'euros de chiffre d'affaires, que je comparais naturellement au chiffre d'affaires de SNCF, hors sous-traitance. Lorsque j'étais en responsabilité, le chiffre d'affaires devait être de 850 millions d'euros, mais une partie de celui-ci concernait le trafic international incluant la sous-traitance. Le chiffre d'affaires réalisé en propre était plutôt de l'ordre de 650 millions d'euros. De mon côté, j'arrivais difficilement à extraire 50 à 60 millions d'euros de trafic que nous pouvions laisser sans mettre à mal le reste, tout en permettant à la future filiale de vivre. Aujourd'hui, j'ignore le détail des fameux vingt-trois flux dont on parle. La différence fondamentale est le système d'aide au wagon isolé validé par Bruxelles. L'équation économique que j'ai connue n'est plus d'actualité.

Pour ma part, j'avais défendu une discontinuité très limitée, avec l'appui total du ministre Jean-Baptiste Djebbari. Cela ne correspondait pas aux « canons » de la discontinuité. Désormais, cet élément a profondément changé. J'ai toute confiance dans les équipes : si elles ont établi ce plan, c'est qu'il doit être viable. Elles n'ont pas embarqué 5 000 personnes dans un plan défectueux. Cela signifie que les subventions publiques vont enfin s'inscrire dans la durée. Auparavant, des aides comme l'aide à la pince ou l'aide au péage étaient effectivement intervenues, mais elles étaient remises en cause. Or il est très compliqué pour les chargeurs d'inscrire leur logistique dans un système qui a besoin de ces aides s'ils ne peuvent pas être assurés d'une certaine stabilité dans le temps.

Je formulerai toutefois un bémol. J'ai cru comprendre que l'essentiel des flux que Fret SNCF doit arrêter sont des flux de transport combiné. Or, dans le court et moyen terme, le transport combiné est le segment du ferroviaire de marchandises qui a le plus d'avenir. Quand bien même nous parviendrions à réindustrialiser le territoire, nous devrions encore acheminer des petits lots, au moins pour un certain temps.

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