Intervention de Stéphane Lenormand

Séance en hémicycle du lundi 6 novembre 2023 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2024 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Lenormand :

« Aide-toi, l'État t'aidera ! » Cette paraphrase de la fable de Jean de La Fontaine, « Le chartier embourbé », qui résume plutôt bien la mission "Outre-mer " telle que présentée par le Gouvernement, pourrait prêter à sourire s'il ne s'agissait de débattre du très sérieux budget des outre-mer pour 2024.

« Riches dans un environnement pauvre, ils ont un niveau de développement inférieur à celui de la métropole. » Cette phrase, citée lors de l'examen de la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003, est, hélas, toujours d'actualité vingt ans après ! Rien n'a véritablement changé, si ce n'est que l'on a substitué le terme « Hexagone » à celui de « métropole ».

Non, les économies ultramarines ne sont pas des économies malades, qui seraient sous perfusion ou sur des béquilles : elles sont montées sur des échasses, ce qui se justifie par un retard structurel de développement. Avec des ZEE d'une superficie totale de 11 millions de kilomètres carrés, elles constituent surtout de formidables atouts économiques, touristiques, naturels et culturels. Elles forment également de véritables sanctuaires pour nos écosystèmes, qui représentent 80 % de la biodiversité française, et offrent de précieuses positions stratégiques, compte tenu de l'intérêt géopolitique de leur situation dans les trois océans.

Dès lors, comment expliquer que le parti présidentiel ait quasiment déserté l'examen de la mission "Outre-mer" en commission des finances ? L'éloignement de nos territoires ultramarins ne saurait justifier que la majorité relative et le Gouvernement ignorent leurs réalités ou, tout du moins, en donnent l'impression.

La très grande pauvreté qui gangrène nos territoires ultramarins, la misère sociale qui désespère les populations, en particulier la jeunesse, le changement climatique dont les effets immédiats touchent ces territoires fragiles, pour la plupart insulaires, ne sauraient rester des constats couchés sur le papier.

C'est pourquoi nous ne comprenons pas que sur les 72 mesures préconisées par le Ciom, parmi environ 200 propositions, seules quelques-unes inspirent le budget de la mission "Outre-mer" pour 2024. Nous ne comprenons pas non plus qu'un amendement du rapporteur général vienne porter un coup de grâce, aussi brutal que soudain, sans véritable concertation et sans étude d'impact sérieuse, à des dispositifs de défiscalisation, au détriment des opérateurs économiques ultramarins.

Sur le plan social, il reste beaucoup à faire : maintenir l'aide alimentaire pour les outre-mer à hauteur de 30 millions d'euros, voire la doubler ; prendre en charge de manière pérenne les factures d'eau en Guadeloupe, au même titre qu'à Mayotte ; allouer 30 millions d'euros à la construction et à la rénovation du parc locatif social ; renforcer la continuité territoriale, notamment pour le grand public ou pour l'accompagnement d'enfants malades ; instituer une véritable aide au retour des forces vives parties étudier et travailler hors de leur territoire ; accroître le soutien aux associations ultramarines, qui font face à des défis, notamment dans le domaine sanitaire et social ; et, pourquoi pas, instaurer un « Pass colo » à destination de la jeunesse ultramarine.

En matière environnementale, nous donnons la priorité au volet recherche de la lutte contre les sargasses dans l'océan Atlantique, à la transition énergétique de Saint-Pierre-et-Miquelon et à la protection des isthmes de cet archipel comme de bien d'autres.

Sur le plan territorial, nous insistons fortement pour qu'une aide exceptionnelle soit accordée à l'aéroport de Saint-Pierre Pierrefonds, à La Réunion, ou pour financer la réhabilitation urgente du port de Saint-Pierre-et-Miquelon ou encore pour y détruire l'hôpital, ce qui permettra de libérer du foncier afin de réaliser un véritable projet. Je pourrais décliner des exemples de ce type pour l'ensemble des territoires ultramarins, dont chacun a ses propres spécificités.

En matière économique, nous insistons sur la nécessité d'instaurer à La Réunion une zone franche globale à l'export, dans le but de favoriser un développement endogène du territoire.

Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires réitère par ailleurs son souhait que la nouvelle taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance – dont les aéroports –, prévue dans la première partie du PLF pour l'année 2024, ne s'applique pas aux territoires d'outre-mer, afin d'éviter que son coût ne soit répercuté sur les compagnies aériennes et, in fine, sur les citoyens ultramarins, lesquels doivent déjà payer des tarifs prohibitifs.

S'agissant de Mayotte, où les défis sont immenses, nous préconisons un véritable programme global afin de lui donner les chances de faire face à ses difficultés.

Les députés du groupe LIOT sont prêts à travailler dans l'intérêt des populations ultramarines, mais nous vous demandons, monsieur le ministre délégué, de ne pas vous limiter à des mesures de saupoudrage ou à de la poudre aux yeux. Nous formulons le vœu que le travail de coconstruction, en bonne intelligence, que nous entamerons cet après-midi aboutisse à garder, malgré un inévitable recours au 49.3, des amendements émanant des oppositions.

Vous avez posé des bases de travail intéressantes. Les députés du groupe LIOT seront force de propositions : la tâche est immense, à commencer par les défis à relever en matière de pouvoir d'achat, de vie chère et d'inflation, défis qui minent nos territoires. Il faut du pragmatisme et une confiance dans l'intelligence territoriale, une solution à chaque problème, des réponses adaptées pour chaque territoire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion