Intervention de Mereana Reid Arbelot

Séance en hémicycle du lundi 13 novembre 2023 à 16h00
Restitution des restes humains appartenant aux collections publiques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMereana Reid Arbelot :

Ma plus grande réserve concernant ce texte est la non-inclusion des collectivités dites d'outre-mer. Comme c'est le cas pour bien d'autres sujets, il propose la remise sous un an d'un énième rapport. A-t-on besoin d'un an pour cela ? Pourquoi tant de réticences ? Le Gouvernement a souhaité cette loi pour ne plus avoir recours à des lois d'espèce, mais c'est exactement le sort que l'on veut réserver aux demandes ultramarines ! Qu'attendons-nous ?

En effet, le texte vise à permettre la sortie de restes humains du domaine public français, afin qu'ils soient restitués à des communautés étrangères. Or il existe des restes qui pourraient sortir du domaine public afin d'être restitués à des communautés françaises ultramarines. L'idée n'est pas ici de les faire passer d'un musée de l'Hexagone à un musée étranger ou ultramarin, mais bien de les restituer à une communauté étrangère ou française ultramarine. On voit donc qu'en l'espèce, l'obstacle n'est pas juridique : il est politique.

Prenons l'exemple très douloureux du peuple Kali'na. Ces personnes ont été arrachées de chez elles par la force ou la tromperie, exhibées comme des curiosités, et sont décédées en France métropolitaine, loin des leurs.

Le territoire kali'na s'étend des deux côtés du fleuve Maroni, source de vie qui le scinde en deux et qui fut désigné comme frontière coloniale entre le Suriname et la Guyane au XVIIe siècle. Si le texte que nous étudions venait à s'appliquer, seuls les Kali'na du Suriname pourraient légitimement formuler une demande de restitution à la France, par le biais de leur État. Ne serait-ce pas curieux ?

Autre exemple : cette année, l'université de Strasbourg a voulu engager la restitution d'une trentaine de crânes à la Namibie et à la Tanzanie. Les demandes ayant été formulées respectivement par une fondation et par une province, plutôt que par les États eux-mêmes, la restitution n'entre pas dans le cadre de la présente proposition de loi. Les communautés ou les peuples autochtones, qui sont le plus souvent des minorités, doivent pouvoir demander une restitution sans forcément passer par un État.

En Polynésie, l'association Te Tupuna, Te Tura – « le respect de nos ancêtres » – a déjà procédé au rapatriement de 350 kilogrammes d'ivi, ou ossements, parfois accompagnés d'objets funéraires. Les restes étaient conservés dans des musées étrangers. Le Muséum d'histoire naturelle de Stockholm a restitué des restes humains des îles Marquises, en prenant en charge le coût du transport des restes jusqu'à destination ainsi que l'assurance. Le directeur régional des douanes de Polynésie, à la demande de l'association et avec l'accord du gouvernement polynésien, a accepté d'exonérer de taxes les restes rapatriés. Qui prendra en charge ces frais dans le cadre de la présente proposition de loi ?

Enfin, le texte prévoit la création d'un comité dont le rôle essentiel doit être élargi pour englober à la fois le récolement et la recherche de provenance. Au vu de son rôle fondamental dans la recherche de vérité et dans la guérison des blessures du passé, cette instance ne doit pas se réunir uniquement en cas de doute sur l'identification de restes humains, mais avoir une activité pérenne, impliquant la participation d'experts et d'universitaires.

Pour toutes ces raisons, le groupe GDR – NUPES réserve son vote et se prononcera en fonction de la teneur des débats à venir.

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