Intervention de Emmanuel Puisais-Jauvin

Réunion du jeudi 9 novembre 2023 à 10h00
Commission d'enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l'avenir

Emmanuel Puisais-Jauvin, secrétaire général des affaires européennes :

Je ne sais pas si le terme de « pause » est le bon, mais la crise du covid a constitué un choc considérable. Les manières de travailler ont changé du tout au tout, et pendant un moment. Nous avons d'ailleurs plaidé pour une réponse européenne à la crise sanitaire ; Mme Buzyn avait, je m'en souviens, demandé que les ministres de la santé se réunissent dans le cadre du Conseil de l'Union européenne. Nonobstant les compétences européennes assez limitées en matière de santé, il était fondamental que l'Union apporte sa contribution, ce qu'elle a fait au bénéfice de tous en prenant la décision inédite de mutualiser les vaccins. Pendant ce temps de crise, certains sujets ont été mis en sommeil, y compris au plan législatif.

Je n'étais pas secrétaire général des affaires européennes à l'époque, mais lorsque j'évoquais une pause, je ne pensais pas à une volonté politique particulière. J'ai bien sûr pris connaissance de l'audition de M. Djebbari. Il ne m'appartient pas de la commenter. J'ai simplement voulu rappeler les circonstances très particulières de ces années-là.

Néanmoins, nous sentions bien que le risque grandissait de l'ouverture d'une enquête approfondie – nous n'avions malheureusement pas tort, comme la décision du 18 janvier l'a montré. Il était alors de notre responsabilité d'étudier toutes les options. Si je parlais d'une étude « théorique » de la discontinuité, c'est qu'à ma connaissance l'ouverture d'une enquête n'était pas considérée comme imminente jusqu'en 2020.

Quant au rapport de McKinsey, il ne fait en effet pas partie des documents sur lesquels je m'appuie dans l'exercice de mes responsabilités. Il a bien sûr pu nourrir la réflexion des services de l'État.

Nous nous sommes demandé – avec les autres services concernés, puisque le SGAE est par construction interministériel et ne travaille jamais seul – comment, compte tenu des contraintes du droit de l'Union européenne, nous pouvions construire un schéma qui permette, le cas échéant, à la Commission de constater une discontinuité, et donc d'admettre qu'il n'y avait plus rien à rembourser. C'est pourquoi nous proposons la création de deux nouvelles entités, l'une consacrée aux trains mutualisés et l'autre à la maintenance, le transfert d'une partie du chiffre d'affaires et l'ouverture du capital.

Nous voulons ainsi maintenir une activité à laquelle nous croyons beaucoup. En outre, ce changement ne doit pas se faire au détriment des salariés : ce sera le cas, puisque, pour 90 % d'entre eux, rien ne changera, et qu'une solution au sein du groupe SNCF sera proposée aux 10 % restants, si jamais ils ne souhaitent pas travailler avec un éventuel nouvel opérateur qui reprendrait certaines activités. Le ministre délégué s'est engagé sur ce point.

Tel est le travail qu'a réalisé le SGAE – qui n'est qu'un service administratif au service du politique, mais qui peut s'appuyer sur les autres services, notamment la DGTIM et l'APE, ainsi que sur les différents juristes de la République. Au sein même du SGAE, nous avons un bureau traitant des questions juridiques et son concours a été précieux pour nous éclairer sur telle ou telle jurisprudence de la Cour.

Pour répondre à votre troisième question, les échanges informels ont été nombreux, en particulier avec Olivier Guersent, directeur général de la concurrence à la Commission. Ces contacts avec les directeurs généraux sont ordinaires, mais nous n'avons pas échangé de comptes rendus. Je sentais bien que la Commission n'était pas convaincue par nos arguments ; Olivier Guersent lui-même ne me l'a pas caché. La décision du 18 janvier a constitué, je l'ai dit, une rupture, mais nous n'en avons pas été étonnés.

En revanche, nous n'étions pas présents lors des échanges avec la commissaire Vestager.

Vous demandez ensuite pourquoi, alors qu'un contrôle devait être exercé jusqu'en 2008, la Commission ne s'est pas émue plus tôt de la situation. Cela remonte à loin et je serai très prudent. Il me semble que la Commission a constaté une accumulation de divers éléments qui, ensemble, lui sont apparus comme une manière de combler de façon régulière, systématique, les déficits de Fret SNCF.

Vous demandez aussi pourquoi la France ne s'est pas étonnée du silence de la Commission. Je n'ai pas beaucoup d'éléments pour vous répondre. Il me semble que notre conviction était que nous étions en présence de transferts intragroupe, pas d'aides d'État. C'est la thèse que nous avons défendue tout au long des discussions.

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