Intervention de Matthias Emmerich

Réunion du jeudi 9 novembre 2023 à 10h00
Commission d'enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l'avenir

Matthias Emmerich, ancien directeur général adjoint de la branche fret de la SNCF :

À mes yeux, le niveau d'aide était clairement insuffisant. L'accompagnement était concentré sur l'aide à la pince, qui est une petite partie du sujet. Toutefois, de nombreuses entreprises concurrentes, notamment ECR, une filiale de la Deutsche Bahn, ont perdu de l'argent pendant cette période. Le marché ne s'est pas développé, ce qui a empêché Fret SNCF comme ses concurrents de développer une activité suffisamment profitable pour rentabiliser leurs capitaux propres.

Par ailleurs, les spécificités du marché n'ont pas été prises en compte. Or ce marché, en France, est très défavorable au fret ferroviaire. Celui-ci est destiné à l'industrie, au transport lourd, à la chimie, toutes activités situées quasi exclusivement dans le nord-est de la France. Ailleurs, il s'agit de transport diffus – par exemple de produits agricoles et de granulats – plus difficile à programmer.

La France n'est pas l'Allemagne, où le trafic de fret et le poids de l'industrie sont le triple de ce qu'ils sont en France. Les principaux axes européens relient les ports de la mer du Nord à l'Italie du Nord. Notre pays est en marge du système européen de fret ferroviaire, surtout lorsque l'on se dirige vers l'Atlantique et vers le sud. Par ailleurs, les traversées du nord au sud sont pénalisées par la différence d'écartement des rails en Espagne et, vers l'Italie, qui n'est pas une grande nation d'industrie lourde, par les difficultés de franchissement des Alpes.

Si tout cela avait été pris en compte, les aides au péage de fret et aux services de wagon isolé auraient été plus importantes.

Par ailleurs, la tension entre Réseau ferré de France (RFF) et la SNCF était forte, RFF considérant que la SNCF payait un péage de fret insuffisant ne tenant pas compte de la nature du trafic de fret qui, plus lourd que le trafic de voyageurs, a plus d'impact sur les voies. RFF avait donc tendance à tirer les péages vers le haut, arguant que la SNCF n'en payait pas le coût marginal. Or Fret SNCF ne pouvait pas supporter ces coûts. Quant à l'État, il se désintéressait de la question et s'abstenait de faire voter des crédits supplémentaires par votre assemblée, considérant que les centaines de millions concernées étaient compensées au sein de l'EPIC SNCF.

Ma réponse à la question posée est claire : la politique de l'État était déficiente. Elle a consisté à laisser l'EPIC SNCF supporter nolens volens les pertes pendant quinze ans.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion