Intervention de Laurence Huc

Réunion du jeudi 19 octobre 2023 à 9h05
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Laurence Huc, toxicologue et directrice de recherche de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) :

Avez-vous écouté la présentation que j'ai faite le 4 mars ? Non. J'ai présenté aux passants présents au Jardin des plantes un compte rendu de l'expertise collective de l'Inserm ainsi que de celle de l'Inrae et de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer). C'était mon acte de « rébellion », comme vous le dites.

Par ailleurs, depuis le Grenelle de l'environnement de 2007 et la mise en place du premier plan Écophyto de 2008, la décision a été prise de réduire drastiquement l'utilisation de pesticides et d'accompagner cette démarche en y associant des scientifiques. En tant que chercheuse à l'Inrae, je suis engagée depuis cette époque-là dans l'objectif de réduction de l'usage des pesticides, qui a été fixé par des choix à la fois démocratiques et sociétaux.

Nous constatons l'échec des plans Écophyto, qui ne vont pas vers une réduction de l'utilisation des pesticides, puisque nous constatons une augmentation. Il y a, dans le même temps, une augmentation des substances pharmacologiquement très actives qui sont mises sur le marché. En tant qu'agent de l'État, je note une distorsion entre les choix démocratiques qui sont faits et la façon dont le système évolue. En tant que toxicologue, je me préoccupe fortement de la santé de nos concitoyens. Je pense en particulier à certains clusters de cancers pédiatriques.

Que ce soit au ministère de l'agriculture ou au ministère de la transition écologique, je constate au quotidien que les politiques ne sont pas suffisantes pour protéger la santé publique, y compris celle des citoyens qui financent mes propres recherches. Si je dois me rendre en blouse au Jardin des Plantes pour informer mes concitoyens, je le fais.

Malheureusement, en tant que scientifique, c'est avec beaucoup de tristesse que nous nous décidons à faire cette démarche un samedi matin. Et ce, après avoir essayé de mettre le principe de précaution en place à l'Anses et après avoir passé du temps au laboratoire pour continuer à apporter des preuves de la cancérogénicité de certaines substances. L'objectif est de faire en sorte que les décisions publiques nécessaires soient prises.

Lorsque les scientifiques qui interviennent à l'Anses et produisent des publications ne sont pas entendus, ça démontre véritablement un échec de notre démocratie sanitaire. Je vous assure que nous ne faisons pas cela de gaieté de cœur. J'y vois une tentative pour me déstabiliser ou décrédibiliser les recherches que je mène. Je suis une maman. Je suis également engagée auprès de deux associations qui luttent contre des épidémies de cancer.

Vis-à-vis de ces gens-là, je prendrai la parole pour dire que des substances pesticides qui détruisent la santé de nos enfants sont actuellement mal évaluées et entraînent un effondrement de la biodiversité. Je serai toujours là pour défendre cette cause. Je suis chercheuse. J'ai pris la décision de me consacrer à ce métier-là lorsque j'étais en classe de terminale. Ma mission est de prévenir les cancers et je le ferai par n'importe quel moyen.

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