Intervention de Jean-René Cazeneuve

Séance en hémicycle du lundi 10 octobre 2022 à 21h30
Débat sur la dette

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-René Cazeneuve, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Je me félicite de l'organisation d'un débat sur la dette publique pour la première fois dans notre hémicycle. Il est rendu possible grâce à la modification de la Lolf opérée lors de la précédente législature sous l'impulsion d'Éric Woerth, alors président de la commission des finances, et de mon prédécesseur Laurent Saint-Martin. Afin d'éclairer nos échanges, un rapport nous a été remis par le Gouvernement le 30 septembre dernier. Il rassemble, de manière inédite, dans un seul document, différents éléments concernant l'ensemble de notre dette, toutes administrations publiques confondues : dettes de l'État, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales.

Nous, parlementaires, fonctionnons encore trop souvent en silos. Nous avons l'habitude de débattre de la dette de l'État pendant nos échanges relatifs au budget et de celle de la sécurité sociale lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Un débat sur la dette publique a d'autant plus de sens aujourd'hui que les enjeux associés sont majeurs et que nous devons prendre collectivement conscience de l'importance d'assurer la soutenabilité de notre dette.

Le niveau de l'endettement public français a considérablement augmenté pendant la crise sanitaire, notamment de presque 300 milliards s'agissant de notre encours de dette, tandis que le ratio de celle-ci est passé de 97,5 % à 114,6 % du PIB. Nous le savons, nous avons fait les bons choix pour soutenir notre économie pendant cette période très particulière. Cependant, ils avaient un coût, question qu'il nous faut appréhender de façon précise.

Notre ratio de dette publique sur PIB a diminué en 2021 puis en 2022, principalement grâce au rebond de l'activité post-crise sanitaire. Il devrait s'établir à 111,2 % en 2023 mais nous connaissons les incertitudes qui pèsent sur la prévision de croissance pour l'année prochaine. Nous devons aujourd'hui faire les efforts nécessaires pour réduire notre ratio d'endettement malgré l'accélération de l'inflation et la dégradation des perspectives macroéconomiques qui entraînent l'alourdissement de la charge d'intérêt de notre dette.

En effet, l'inflation agit immédiatement sur notre stock de dette par le biais des titres indexés sur l'inflation – environ 10 % du stock –, ce qui nous a déjà conduits à ouvrir 12 milliards d'euros supplémentaires en loi de finances rectificative en août dernier. C'est d'ailleurs un dur rappel à la réalité adressé à ceux qui, ici, nous racontent depuis des années que l'on peut augmenter la dette sans que cela ait de conséquence.

L'inflation conduit aussi les banques centrales à mettre un terme à leurs programmes d'achats d'actifs et à remonter leurs taux d'intérêt, ce qui se répercute sur le marché des obligations souveraines. Nous empruntons aujourd'hui à un taux qui s'établit autour de 2,5 % et le Gouvernement anticipe un taux d'emprunt annuel moyen similaire – légèrement supérieur – pour l'année prochaine. Cette hausse des taux a un impact non seulement sur notre charge de la dette actuelle mais surtout sur la charge de la dette future, au fur et à mesure que nous renouvelons notre stock de dette. Notre charge de la dette dépasse désormais, dans le budget pour 2023, les 51 milliards d'euros, soit le niveau le plus élevé observé ces dix dernières années. Elle se répercute dans le déficit et réduit d'autant les marges de manœuvre de l'État pour financer d'autres politiques publiques, notamment les investissements indispensables dans la transition énergétique.

Dans ce contexte, nous devons absolument faire des efforts pour réduire notre déficit primaire. La crise traversée ces dernières semaines par le Royaume-Uni doit être une alerte pour nous tous : les marchés annoncent la fin de l'ère de l'argent gratuit et nous disent qu'ils sont attentifs à l'évolution de notre endettement public. Nous devons donc faire preuve de la plus grande prudence concernant le respect de notre trajectoire fixée par le projet de loi de programmation des finances publiques – en premier lieu, il convient de l'adopter pour que chacun puisse situer notre ancre, ou notre balise, et apprécier le chemin que nous empruntons effectivement pour l'atteindre. Nous prenons cet engagement face à la communauté internationale et à nos partenaires européens.

Cette trajectoire prévoit une diminution significative et progressive, jusqu'en 2027, du ratio de dette publique, laquelle s'établirait alors à 110,9 % du PIB grâce un déficit de 2,9 %, soit un niveau inférieur au solde stabilisant la dette à long terme. C'est ainsi que nous assurerons la soutenabilité de notre dette.

Enfin, je veux le rappeler, la France reste particulièrement attractive pour les investisseurs du fait de la liquidité de ses souches et de la qualité de sa signature. Je veux en profiter pour saluer le travail de l'Agence France Trésor qui s'occupe de façon remarquable de la gestion de notre dette.

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