Intervention de Kévin Mauvieux

Séance en hémicycle du lundi 10 octobre 2022 à 21h30
Débat sur la dette

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaKévin Mauvieux, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Nous ouvrons aujourd'hui l'un des débats les plus importants de cette législature, celui de la dette publique, dont l'État représente à lui seul 81 %, et qui va atteindre des sommets, poussée par des politiques successives aussi peu ambitieuses que coûteuses.

Commençons par le constat et les chiffres actuels de la dette. Le ratio de dette publique est passé de 97,5 % du PIB à 114,6 %, dette qui atteindra bientôt, comme cela a été rappelé, 3 000 milliards d'euros. Ce ratio d'endettement public est anticipé à 111,2 % du PIB en 2023, en légère baisse. Ces prévisions reposent cependant sur des estimations de croissance trop optimistes : le Gouvernement mise sur 1 % de croissance en 2023 alors qu'une récession est très probable – de nombreux commentateurs économiques l'annoncent –, ce qui aggraverait sensiblement le ratio dette publique sur PIB.

Toutefois, évoquer la dette uniquement en mentionnant le ratio dette publique sur PIB est une erreur. En effet, pour que l'endettement de la France diminue, il faut d'abord l'observer sous l'angle du déficit public. Le principe est pourtant simple à comprendre : s'il vous manque à la fin de chaque année 300 milliards d'euros pour financer vos dépenses – comme c'est le cas de la France, selon l'Agence France Trésor –, vous ne pouvez que vous endetter. La problématique des finances françaises est donc bien celle du déficit dû aux politiques sans ambition et coûteuses des dernières décennies. J'en veux pour preuve les 600 milliards d'endettement supplémentaire en cinq ans, dont seulement un tiers provenait de la crise de la covid-19. Ce bilan est le vôtre.

Après le constat, il est nécessaire de relever les différents points de vigilance pour éviter tout dérapage de l'endettement de la France. Le premier point – si ce n'est le plus important et le plus grave – est l'impact de l'inflation sur la charge de la dette, en raison d'un encours d'OAT indexées sur l'inflation qui représente plus de 11 % du total de la dette de la France, soit 240 milliards d'euros fin 2021.

Pour financer la hausse de la charge de la dette, 12 milliards d'euros de crédits supplémentaires ont été ouverts en loi de finances rectificative en août, en raison de la révision à la hausse de la charge d'indexation de ces titres. Ces titres ne sont pas suffisamment dangereux si l'on en juge par la gestion du Gouvernement puisque celui-ci a décidé que 70 % du calcul de l'intérêt de ces OAT seraient indexés sur l'inflation européenne, actuellement à plus de 10 %, et 30 % sur l'inflation française. Qui, aujourd'hui, en France, emprunterait à plus de 10 % d'intérêt ? Nous comprenons que ces titres répondaient, au moment de leur création, à une demande des banques et des assurances mais on oublie que, quand le créancier gagne, le débiteur paye. Ce n'est ni aux Français ni aux contribuables de renflouer les banques et les assurances.

Parallèlement au problème que pose ce titre, il est important de surveiller la politique de la BCE qui remonte ses taux d'intérêt pour ralentir l'inflation – une hausse des taux de 50 points de base en juillet puis de 75 en septembre –, ce qui entraîne une hausse des taux d'intérêt sur les marchés de la dette souveraine. L'OAT française à dix ans s'achète actuellement à un taux de 2,7 % contre zéro fin 2021, alors même que la dette française n'est pas plus risquée sur les marchés qu'à l'époque. Or une augmentation de 1 % des taux d'intérêt a un impact de 2,4 milliards d'euros la première année et jusqu'à 16 milliards la cinquième année.

Ce qui se passera en Allemagne dans les prochains mois s'avérera crucial pour l'avenir de notre dette et pour les enjeux liés à la BCE. En effet, l'Allemagne va s'endetter et donc faire remonter de nouveau les taux d'intérêt. Dès lors, la BCE pourra soit rester immobile, contribuant à l'augmentation de la charge de la dette sur les titres à taux fixe avec une hausse des taux d'intérêt laissée libre, soit intervenir avec la planche à billets et ainsi créer de l'inflation, rendant à nouveau très chères les OAT indexées sur l'inflation. Enfin, le remboursement des PGE (prêts garantis par l'État) en pleine crise énergétique pourrait, aussi fortement que temporairement, alourdir considérablement la dette publique.

La meilleure des comparaisons est celle qui consiste à observer que 51,7 milliards d'euros sont provisionnés pour la charge de la dette en 2023, soit quasiment autant que la mission "Défense" . Avec cette dépense, nous pourrions financer plus de trois fois la baisse de la TVA sur les carburants pour nos concitoyens.

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