Intervention de Éric Woerth

Séance en hémicycle du lundi 10 octobre 2022 à 21h30
Débat sur la dette

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Woerth :

mais nous devons faire preuve d'une vigilance extrême. Si, jusqu'ici, tout va bien, qui peut en jurer pour demain ? La dette est la sédimentation de cinquante ans de déficit public. Lorsqu'on en examine de près les différentes couches, on constate que c'est une dette de fonctionnement, et non une dette d'investissement. Chaque génération a décidé de faire payer à une autre un peu de son confort de vie, sans l'assumer. Nous devons rompre avec ces mauvaises habitudes.

Si les grandes crises sont des pics de déficit, la dette, elle, est plus sournoise ; elle résulte essentiellement de l'accumulation de l'excès de dépenses de tous les jours. Si nous la remboursons, monsieur le président de la commission des finances, nous le faisons en empruntant de nouveau. Aujourd'hui, notre pays a une obligation d'évolution, de transformation, de transition et de réforme : chacun le sait bien, notre nation doit bouger et se bouger. Néanmoins, nous ne pouvons pas prendre le risque d'affaiblir notre souveraineté financière et de descendre en deuxième division financière. Curieusement, nous voulons plus d'indépendance énergétique, alimentaire, industrielle : tout cela est bien évident, mais l'indépendance financière, elle, est encore sous les radars de l'opinion publique.

La dette ne peut plus être la seule réponse au financement de nos politiques publiques. Les menaces sont des occasions de se réformer, non de s'endetter plus encore. Comment parviendrons-nous à relever l'incroyable défi climatique, numérique et social qui nous attend sans avoir davantage recours à l'endettement ?

Premièrement, la protection des Français, objet principal du projet de loi de finances pour 2023, est une condition nécessaire, faute de quoi le climat rendra impossible des réformes pourtant incontournables.

Deuxièmement, ces réformes doivent être des leviers de croissance dont les bénéfices seront supérieurs au coût. C'est le cas de la réforme des retraites et d'autres réformes qui devront suivre.

Troisièmement, nous devons substituer, au fur et à mesure, de la dette d'investissement à la dette de fonctionnement, ce qui nécessite de différencier clairement les dépenses de fonctionnement des dépenses d'investissement, ce que nous avons essayé de faire à travers la loi organique modifiant la Lolf. Mais, curieusement, deux définitions différentes des dépenses d'investissement perdurent dans la loi de finances, l'une à l'article liminaire et l'autre à l'article d'équilibre. Je suis persuadé que nous reviendrons sur ce choix plus tard car il deviendra bientôt très politique.

Quatrièmement, il est indispensable de fixer un plafond d'évolution de la dépense publique en volume à 0,5 % ou 0,6 % par an. C'est possible. Il n'y a pas de recette miracle pour baisser la dépense : un travail incessant sur la qualité de la dépense publique doit être fait, et cette qualité doit être contrôlée par le Parlement lui-même.

Cinquième et dernier point : il faut tenir l'effort sur la durée. C'est la seule façon de faire baisser le poids de la dette par rapport à la production de richesse nationale : là est la clé de la soutenabilité de notre dette. C'est toute l'ambition du projet de loi de programmation des finances publiques, laquelle, de manière assez incompréhensible, a été rejetée par les oppositions en commission, en contradiction avec nos engagements européens, et alors que le Gouvernement présente une trajectoire sérieuse de stabilisation à court terme de la dette publique d'ici à 2025 et une décrue à moyen terme après 2027 – décrue qu'il faudra impérativement respecter, monsieur le ministre délégué, car s'il est bon d'avoir beaucoup d'ambition quand on dit, il est meilleur d'avoir de l'ambition quand on fait.

Maîtriser les dépenses publiques, maîtriser la dette, c'est maîtriser l'avenir de notre pays ; ce n'est pas un exercice comptable, c'est un exercice de responsabilité, de souveraineté et de citoyenneté.

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