Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du lundi 10 octobre 2022 à 21h30
Débat sur la dette

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

La dette : entre les Cassandre et les Pangloss, qu'en est-il réellement de l'état de nos finances ? Une question à plus de 2 900 milliards d'euros, une dette abyssale alors que d'autres pays européens ont bien mieux géré leurs deniers publics. À titre d'exemple, entre 2017 et 2021, la dette des Pays-Bas est restée stable à 46 % du PIB ; même chose pour l'Allemagne à 69 % du PIB, pendant que la dette de la France est passée, sur la même période, de 98 % à 114,5 % du PIB.

Cet été, la Banque centrale européenne a de nouveau mis en place un dispositif pour racheter massivement des dettes publiques d'États membres. Le TPI – instrument de protection de la transmission – permet en effet à la BCE d'aider un ou plusieurs des États membres qui verraient leur dette attaquée sur les marchés en les rachetant en masse, cela afin d'éviter une nouvelle crise de la dette en zone euro.

Si l'explication officielle de ce nouvel instrument résidait dans l'écart croissant des taux d'intérêt entre la dette italienne et la dette allemande, en réalité, la situation financière de la France, deuxième pays de la zone euro en richesse, était également responsable de cette décision. Car la France est un pays massivement endetté, avec un déficit de son commerce extérieur insondable et des finances publiques exsangues – bref, en mauvaise santé.

Cette politique de la BCE n'est pas saine. Chaque mois, et depuis des années, elle a racheté des milliards et des milliards de dettes publiques et privées dans la zone euro. Au total, depuis 2008, ce sont plus de 6 500 milliards d'euros de dettes publiques qui ont été rachetés par la BCE, de quoi participer à la création des conditions de l'inflation qui sévit aujourd'hui. De plus, disons-le clairement : cette politique a un prix. Ce dispositif impose en effet des obligations aux États qui en bénéficient, en premier lieu celle de respecter le cadre budgétaire européen. Si ces conditions devaient être appliquées à la France, ce serait clairement la perte d'une partie de notre souveraineté budgétaire.

Si la dette a naturellement pris un embonpoint certain avec la crise sanitaire, atteignant les 111,5 % du PIB, c'est aussi l'inflation qui explique ce mouvement à la hausse, une inflation qui, selon les mots du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, est sa « priorité absolue », parce qu'elle menace directement les ménages les plus fragiles, les classes moyennes, les retraités et, naturellement, nos entreprises, une inflation, aussi, sur laquelle nous n'avons pas vraiment la main, puisqu'elle est étroitement liée à la guerre en Ukraine.

C'est une guerre que nous avons raison de mener – je l'ai dit et je le redis – mais qui a, bien sûr, un coût, dont celui de l'énergie. Ce coût est encore supportable pour les particuliers grâce au bouclier énergétique. Vous l'avez rappelé, les prix du gaz et de l'électricité augmenteront, mais de seulement 15 % au début de l'année 2023, alors qu'ils auraient dû augmenter de plus de 100 %. Reste à savoir combien de temps ce bouclier pourra être maintenu. Pour rappel, la note est déjà salée : 24 milliards d'euros.

Pour lutter contre l'inflation généralisée, la Banque centrale européenne, toujours elle, a augmenté ses taux d'intérêt en juillet pour la première fois en dix ans, de 50 points de base. Elle a annoncé le 7 septembre dernier qu'elle les relevait de nouveau de 75 points de base, une ampleur inédite. Oui, la dette a un coût et il va bien falloir rembourser.

Pour redresser la barre, chacun le sait, malgré les dénégations de certains, il n'y a que deux solutions : augmenter les recettes ou diminuer la dépense. Puisqu'une partie de la gestion de la dette nous échappe à cause de la guerre en Ukraine, c'est à de grandes réformes qu'il faut maintenant s'attaquer. Il faut travailler plus longtemps, sauf bien évidemment pour ceux qui connaissent des emplois particulièrement pénibles. Il faut reconduire les chômeurs de longue durée vers le marché de l'emploi. Il faut lutter contre les fraudes en tous genres, fiscales et sociales.

Nous devons également accentuer la réindustrialisation de notre pays : contrôler une immigration de masse dont le niveau de qualification est faible ; renouer avec la compétitivité et rééquilibrer la balance commerciale ; reconstruire notre souveraineté énergétique avec le développement de notre parc nucléaire ; traquer toutes les dépenses inutiles et j'en passe !

Pour inverser la tendance à la hausse constante de la dette, la tâche est donc immense, mais pas insurmontable dès lors que nous travaillerons ensemble – les bonnes idées ne sont pas le privilège des seuls députés de la majorité – pour apporter un début de réponse avec un projet de loi de finances pour 2023 responsable et courageux, c'est-à-dire à la hauteur de la situation.

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